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jeudi, février 26, 2004

(Daft Punk / Something about us)

Untel disait l'autre jour que les blogs que l'on venait lire étaient les blogs de dépressifs. que les blogs de gens dont la vie était faite de bonheur n'intéressaient personne. Et par là de dénoncer la facette de voyeur se délecant du malheur des autres, présente en chacun de nous.

Une telle disait l'autre jour que tenir un blog a quelque chose de pervers. Que l'on présente au monde et à des inconnus ce qu'on cacherait à nos proches.

Bof, bof. Je ne suis d'accord avec aucun d'entre eux. D'abord, il ne va pas être facile de trouver un blog qui ne parle que de bonheur ; c'est pas tellement que tous les bloggeurs sont des dépressifs, mais c'est surtout que l'écriture permet de se débarrasser de ce qui gêne, et qu'on a pas envie de se débarrasser des instants de bonheur. A la limite, on peut avoir envie de les faire partager. Le bloggeur qui ne parle que de bonheur a à mon avis un réel problème psychologique, ce qui n'est pas le cas du lamda. (Kenji Kawai / Réincarnation) Ensuite, le simple fait de le mettre sur le web exclut la seconde hypothèse. Ce qui serait pervers c'est de prétendre ne pas vouloir être lu, comme un journal (c'est pour cela qu'un blog n'est PAS un journal). Et encore, combien de personne tenant un journal n'espère pas être lu, pour être enfin comprise, et tout le blabla psycho truc qui va avec ? Et ce sans la moindre once de perversité. Juste, peut être, de la timidité un peu trop poussée.

Et pourquoi cet esprit "que l'on cacherait à nos proches" ? Un blog d'adolescent, ok, pourquoi pas, ça peut être un moyen de passer ses complexes, de résoudre sa crise et de s'émanciper, mais là encore, le but de l'écrivain, c'est d'être lu, même en sachant que les conséquences pourraient être néfastes. Je ne crois pas écrire ici quoi que ce soit que je cacherai à mes proches. Et à lire les plus intéressants des blogs que je fréquente, je ne suis pas le seul. J'ai peut être tort, mais je me plait à considérer cet outil comme une feuille blanche infinie, pouvant être sans cesse noircie, sans jamais se poser les questions de l'encre ou de la place restante. Un endroit où je me trouve seul (Simple Minds / Belfast Child) face à moi même, face à mes pensées. Je n'ai pas attendu le blog pour cela, les blocs ont longtemps tenu ce rôle pour moi. Mais ils ont un nombre de pages limités, eux.

Pourtant les blogs les plus anciens, les plus "fréquentés" ont clairement perdu leur caractère de solitude. A droite à gauche on peut voir les systèmes de commentaires se transformer en forum. On peut voir les blogs se répondre les uns les autres. N'y a-t-il pas là un dévoiement du but originel ? Je me pose ces questions toujours dans l'optique du blog comme expérience dont je veux tirer des conclusions. Les blogs se mettent en chaîne, en rizome, en réseau, créent une/des communautés. Une nouvelle forme de tribus ? Si c'est le cas, quel dommage. Quel dommage, car la solitude, ou la singularité, l'individualité, je ne dis pas l'égoisme, devraient rester au coeur des blogs. Et que communautarisme dit nivellement, compromis... Rien de mal en soi, mais rien qui soit ce que j'ai cru comprendre comme étant au coeur des blogs. Quel dommage, car cette communauté, qui aurait du se monter par choix, s'impose par les faits, et que par ce biais, on se prive totalement de la possibilité d'une société (Jô Hisaishi / The encounter, BO de Mononoke Hime) d'esprits libres. Je ne dis pas libertins, libertaires ou libéraux, mais simplement libres.

Peut être que je fais erreur. N'hésitez pas à me faire part de votre point de vue sur le sujet ; en attendant je poursuis mon expérience.



mercredi, février 25, 2004

(Alex / Le Turbo Personnel, sur l'album mythique Art of France... si vous arrivez à mettre la main dessus, n'hésitez pas !)

Le froid est tout ce qui reste quand le reste est parti. Ne reste-t-il vraiment rien ? Je refuse d'en parler. Quand j'étais encore au pays du soleil, il y a bien longtemps, dans une galaxie très, très lointaine, j'ai eu la chance d'aller en classe prépa (littéraire, bien sûr, ce qu'on appelle hypokhâgnes et khâgnes). En ces lieux la vie s'est ouverte à moi. Pas parce que j'apprenais des choses : non, je n'ai rien appris, si ce n'est l'étendue de mon ignorance... mais il paraît que c'est déjà un début. Mais parce qu'enfin j'ai rencontré des gens... consistant. Bien sûr, j'ai des amis avec qui j'ai vécu mille et un évènements marquants, que j'espère avoir toujours à mes côtés, comme aujourd'hui, et que j'espère toujours pouvoir soutenir. Mais dans ce cadre, j'ai rencontré des gens intéressés et intéressants. Des gens avec qui on peut discuter sans tomber dans des considérations de comptoir ou sans arriver à une conclusion aporétique. Des gens qui ont rejoint, bien sûr, les rangs de mes amis, à ma plus grande joie.

En ce temps, j'ai également eu la chance de rencontrer une prof' sans égale, je crois. Elle nous enjoignait à profiter de nos années de prépa, car elle s'était rendue compte de l'effet exaltant que cette agitation constante des neurones pouvait avoir pour nous. Car elle s'était rendue compte (Pink Floyd / The Wall) que c'était le lieu où beaucoup d'élèves préformatés par l'enseignement secondaire remettaient leur vie et le monde en question. C'est triste d'un côté de penser qu'il leur a fallu cela pour remettre le monde en question, mais c'est mieux que jamais après tout. Cette prof' nous avait confié qu'une de ses élèves lui avait dit un jour qu'en prépa, elle avait eu l'impression de sortir la tête d'un bocal et d'enfin regarder le monde. Je n'ai pas eu, pour ma part, cette impression. Mais à voir les gamins qui m'entouraient durant les premières semaines d'hypo, je comprend que certains aient eu ce sentiment.

Porquoi évoquer cela ? Parce qu'aujourd'hui, j'ai foncièrement l'impression inverse. Depuis deux ans, j'ai cessé de regarder le monde et j'ai mis la tête dans un bocal. Cela a eu des effets bénéfiques, bien sûr. J'ai pu me mettre moi même à jour. En cessant de regarder le monde, j'ai pu admirer tout ce qui n'en faisait plus partie, et qui aurait du y rester. Et comprendre pourquoi certaines choses ont été rejetées à raison. Je suis devenue fondamentalement anachronique, je crois (The Divine Comedy / Bad Ambassador). Je ne sais pas, je dis bien : je crois. Les problèmes de la plupart de ceux qui m'entourent me semblent vides, vains. Et, par extension, les miens aussi. Progressivement, tout perd son importance. Lors du 11 septembre (inutile de préciser l'année, tout le monde comprend duquel il s'agit) mon frère m'avait déjà taxé d'être "le plus froid des monstres froids" en constatant ma réaction. Le fourbe reprenait Nietzsche parlant d'Hegel, car il n'ignorait pas mon aversion pour l'état hegelien. Le problème n'était pas que je n'avais pas de réaction, cependant. Mais pas la réaction adéquate, et pas non plus une réaction choquante. Ni horrifié, ni sautant de joie. Simplement critique et relativiste (Massive Attack / Five Man Army). Enervé, disons.

Relativiste. Moi qui suis le premier à défendre un absolu nécessaire. Une contradiction de plus... En commençant ce post j'ai clairement écrit "je refuse d'en parler" en parlant du froid qui envahit mon monde. Un Blog n'est pas un journal. Ce Blog reste pour moi une expérience. Peut être une façon de m'enfoncer la tête encore plus profondément dans le bocal. Je ne tiens pas à exprimer mes sentiments. Je ne tiens pas tenir une tribune publique pour véhiculer mes idées. J'ai lu cette phrase pour définir le blog : your brain on the web. Alors ce blog ne doit être que cela, le reflet de mon cerveau, avec les courants de pensée tels qu'ils se déroulent sous mon crâne. Qui n'est pas qu'une succession de pulsions électriques. Qui ne produit pas que le fruit de mon éducation ou de ma non-éducation.

Je reprendrais plus tard.



mardi, février 24, 2004

Je dors, je rêve, je nage, mes bras fendent l'eau, écartant tous les problèmes et toutes les futilités, me permettant de survivre dans cet enfer liquide. Qui me procure un bien fou.

Le téléphone sonne.

Je me réveille, je marche... je coule.



vendredi, février 20, 2004

:)

Histoire de se prendre la tête sur le coup des 1h du mat...

bon courage ! et prévenez moi quand vous êtes arrivés à sortir ! ;)

http://www.datacraft.co.jp/takagism/index_e.html



jeudi, février 19, 2004

(Bashung:Brel/Le Tango Funèbre)

Me suis rendu compte d'un truc. Je me suis rendu compte que je marchais en regardant droit devant moi. Oui, bon ça a l'air idiot, dit comme ça. Mais faut que je développe, vous comprendrez pourquoi ça m'a marqué. Si j'ai remarqué que je marchai la tête droite, et si ça m'a surpris, c'est tout simplement parce que ça m'a rappelé une reflexion que je m'étais faite il y a un paquet d'années, quand j'étais jeune collégien bipède à station verticale.

Marcher ne m'a jamais rebuté, au contraire j'aime ça. Ce qui me fait faire des économies chez les TCL, me retient d'acheter une voiture et par voie de conséquence, me fait profiter des plaisirs du train. Du coup, j'ai toujours beaucoup marché. La tête baissé. Aller/Retour d'école, de collège, de lycée, de fac... A pattes, tête baissée, et seul. Seul avec mon cerveau, les yeux rivés sur le goudron, avec des idées se bousculant sous les cheveux que j'avais à l'époque bien plus nombreux qu'aujourd'hui. Des histoires, des comparaisons, des remarques, de scénarios, des inventions loufoques, des chansons... n'importe quoi. Tout. Tout ce qui pouvait faire mouliner mon cerveau. Quitte à mouliner dans le vide (Kenji Kawaii/Virtual Crime Bo de Ghost in the Shell). Et puis un jour, en rentrant de ce fameux collège miteux de ZEP pas rénové une seule fois en 20 ans, j'ai eu un choc. Ce choc, c'est que je me rendais compte que je marchais tête baissée, tout le temps. Et, je serais bien incapable d'expliquer pourquoi, je me rappelle parfaitement avoir pris la décision qu'à partir de ce moment, je marcherais tête levée, pour voir le monde devant moi, pour voir autre chose que le bout de mes pieds. Pour voir large. J'ai pris la décision de ne plus concentrer ma vue sur un point ou une ligne précise sur le sol, mais de garder les yeux ouverts, de ne rien fixer et d'accueillir le monde entier de façon égale.

Je me souviens aussi avoir pas mal lutté, les premiers temps, pour relever la tête (dans les bastons générales, c'est plus sûr de garder la tête rentrée dans les épaules Red Hot Chili Pepper / Under the bridge). Et puis j'ai cessé d'y penser. Je constate aujourd'hui qu'effectivement je ne marche plus tête baissée.

Ce qui a eu plusieurs conséquences :
-Je me prends vachement moins de poteaux en marchant (c'est comique à lire, mais beaucoup moins à subir, la prise de poteau)
-Je me prends vachement plus le vent dans la figure, et donc, les poussières dans les yeux (malgré les binocles).
-Je n'arrive plus à lire en marchant.
-Je marche plus vite.
-Je pense beaucoup moins à des tas de trucs que j'aurais oublié 10 minutes plus tard en marchant (Erik Satie / Gnossienne n°2).
-Je regarde les gens (et je vois que les gens me regardent... et du coup je croise les regards qui me demandent si je cherche quelque chose).
-J'ai pris l'habitude de mettre une écharpe (ben oui en relevant la tête je découvre ma gorge)
-Je vois les affiches pour les concerts et les spectacles (comme le concert de Air le 6 mars au Transbordeur, dont j'ai le billet dans mon manteau...)

Et surtout

-Je me suis rendu compte du nombre de gens qui marchent tête baissée.



mercredi, février 18, 2004

(Offspring / Change the world… ah, mes erreurs de jeunesse…)

En rentrant ce soir (enfin réussi à choper De Antiquissima Italianorum Sapientia, de Vico, sous-titré : ou l’impossible mort de Virgile), je me suis amusé d’un simple détail. Mon quartier est, je sais je radote, divisé entre les kebabs et les traiteurs asiatiques. Mais pas seulement. De ci de là on pourra trouver une pizzeria (hallal), un restaurant créole, malgache… voire, soyons fous, français tout ce qu’il y a de plus classique. Au menu d’un restaurant de ma rue, ce soir, inscrit à la craie comme tous les jours : non, pas de paupiettes, pas de tripes, pas de choucroute, pas de tablier de sapeur, pas non plus de saucisson chaud, et pas de quenelles. Non, au menu ce soir : France/Belgique.

Oui, bon, il en faut peu pour m’amuser…

Et peu pour m’énerver. Parce qu’en rentrant ce soir, j’ai vu bien d’autres choses (Shiro Sagisu / EVA-01). J’ai vu, placardées devant les vitrines de tous les marchands de journaux, les couvertures d’une dizaine de magazine, tous en train de dire comment maigrir, pourquoi maigrir, quand maigrir, etc. Bon je précise tout de suite pour ceux qui n’auraient pas suivi, je suis de sexe masculin, donc tout ça, ça me dépasse. Mais ce qui me dépasse moins, c’est l’impact de ce genre de trucs. Oui bien sûr, c’est pas nouveau, c’est tous les hivers pareil, ces magazines font leur fond de commerce avec ça. Et pis la femme objet, tout ça. C’est pas mon combat, ça. Y’en a qui le font très bien, et puis ne parlons même pas de l’homme objet, tout ça, je m’en fout, y’a bien qu’à travers la vie quotidienne qu’on pourra changer tout ça, plutôt que par des coups d’éclats ou des brûlots de féministes.

Bon. Mais y’a plusieurs trucs qui me choquent.

Le nombre. J’ai l’impression que le nombre de ces conneries augmente d’années en années.
La fréquence. J’ai essayé de comprendre pourquoi de temps en temps y’en avait aucune, et de temps en temps toutes ces couvertures ressortaient en même temps. On m’a vaguement expliqué (Peter Gabriel / OVO - The man who loved the earth) qu’à l’approche du printemps on allait mettre des vêtements plus courts, et donc qu’on verrait plus la chair, les formes, et que donc il fallait s’y préparer, surtout après les fêtes, etc ce genre de conneries (je suis pas vulgaire en général, mais c’est le genre de choses qui a le don de m’énerver, alors vous me passerez le langage). Pourquoi pas, même la connerie doit avoir sa logique. Mais depuis septembre, je n’ai pas vu un mois passer sans au moins 2 ou 3 de ces couvertures en vitrine.

Pourquoi ça me choque ? Tout simplement parce que j’ai eu l’occasion de voir les chiffres de l’anorexie en France (je parle même pas des States), tout en sachant que les véritables cas sont au moins deux fois plus nombreux que les cas recensés. Parce que j’ai eu l’occasion de constater les dégâts de l’anorexie autour de moi. Parce que, rien qu’en marchant dans la rue, avec un œil exercé à reconnaître les symptômes, il ne se passe pas une journée sans qu’on puisse remarquer (Yann Tiersen / La Rupture) un poignet trop fin, des pommettes trop prononcées, des joues légèrement déformées, des comportements surexcités ou amorphes, des dents en miette (à cause de l’acide des sucs gastriques lors du vomi)… Oui bien sûr, ça peut être les symptômes de tout un tas d’autres trucs. Mais y’a des mots, des attitudes, des regards, tout un ensemble, qui ne trompent pas.

C’est un putain de gouffre, et ce gouffre se nourrit de toutes ces couvertures, de tous ces conseils plus ou moins bidons. L’anorexie ne naît pas de ça (l'anorexie peut commencer à l'âge de 5 ans, sûr qu'à cet âge elle va pas suivre les conseils de régime des magazines de sa grande soeur), bien sûr, il y a souvent des raisons psychologiques, affectives (du pire, viol, inceste, etc, au moins pire, la palette est large) bien plus profondes. Mais ces névroses pourraient se traduire autrement. Le culte du mince, du maigre, ce n’est pas nouveau. Le dénoncer, c’est évident (Arnaud Mattei Nonet / Pour info). N’empêche que je n'en entend pas parler (exception notable d'Elephant de Van Sant) comme d'un vrai problème de société. N’empêche que les malades (oui c’est une maladie, non ce n’est pas un simple manque de volonté) qui veulent s’en sortir ne trouveront pas de réponse chez plus de 95% des médecins dits généralistes. N’empêche que le Centre Info Santé Jeunes de Lyon, deuxième ville de France, quand il fait un mois à thème Nourriture, n’a AUCUN document sur les Troubles du Comportement Alimentaire (anorexie, boulimie, etc qui vont rarement seules).

Pas d’information pour contrer cette moisissure. Des milliers de couvertures pour l’encourager. Bien sûr, il n’y a pas QUE des conseils absurdes dans ces torchons, il ne va pas y avoir écrit : « arrêtez de manger pendant un mois et vous perdrez X kilos » (encore que parfois…). Mais une ano/bv (comprendre anorexique/boulimique vomitive) ne raisonne pas comme ça. Elle ne raisonne pas du tout, d’ailleurs. C’est pas qu’elle est conne, hein, c’est juste que le « système » part un peu en live des fois. Mémoire sélective. Altération des informations. Systèmes de classification absurde (entendu : « le pain, je le classe dans la catégorie des aliments liquides »). Alors quand vous dites qu’il faut manger ci et pas ça, ça peut vite se transformer en : Ne mangez pas ça (sans le ci pour équilibrer l’alimentation).

Comble du comble, j’ai vu un magazine dont le titre même était : Maigrir ! Ce qui veut dire (Akosh S. Unit / Lélelkzet), si j’ai bien compris le principe, que TOUS les numéros vont être consacré à ce sujet. Mais bordel ! Dans toutes les conneries du gouvernement actuel, y’en pas un, Mattei au hasard puisqu’il est au ministère de la Santé, qui nous pondrait une mesure pour limiter les dégâts ? Ils doivent pas avoir peur de la censure, ces gars là, ils en sont plus à une violation des droits fondamentaux près, alors pour une fois que ça pourrait avoir un effet bénéfique…

Oui, ok, anorexie, boulimie : maladies des pays riches, ils ont qu’à crever dans leur système mortifère ces sales bourgeois, pendant ce temps nous on va faire de l’humanitaire au Rwanda. J’ai entendu ça. Pauvre tanche. Ca me fait penser à ce gars, quand je récoltais du fric pour Follereau contre la lèpre, qui me répond qu’on ferait mieux de s’occuper du SIDA (Java / Pépète). Boulet, va. Bon allez ça sert à rien que je m’énerve plus. Mais si vous avez les clefs d’un entrepôt avec un stock de ces magazines, faites moi signe, histoire qu’on aille faire un peu de lumière au cocktail M…

Allez, pour ceux et celles qui se sentent, lisez Piégée, mémoires d'une anorexique de Marya Hornbacher. Et encore, c'est plus soft que certaines réalités.



(Les Innocents/ L'autre finistère)

Je n'ai pas envie de dormir. Mais il faut dormir. Paraît il. Je veux donc rester éveiller ? Non plus. Je ne suis pas éveillé. Je ne me sens pas éveillé, car éveillé, je le suis, physiquement. A quoi bon être éveillé ? A cette heure ci je n'ai rien à faire. Je n'ai envie de rien. Et ça me va.

Bizarre, ce mot de Sommeil. Il m'évoque le corps, soma, et l'éveil. Comment mettre en rapport ces idées ? Le sommeil nous fait oublier notre corps... un éveil de l'esprit ? Oui. Une libération, la sortie de cette léthargie volontaire, de ce carcan dans lequel on enserre l'esprit durant la journée. Quand on a sommeil, et non quand on est en sommeil, notre esprit s'éveille, se libère, s'envole, Icare sortant du labyrinthe du souci quotidien pour voler vers le soleil, toujours plus haut, oiseau-ka à tête humaine s'approchant du royaume d'Osiris, djinn quittant sa lampe d'airain, vibration lente et lourde s'extirpant d'un saxophone baryton. J'aime ce sentiment. Moins flou que l'ivresse (Lim Giong / A moth flies in the fire, de la BO de Millenium Mambo de Hsou Hsiao Hsien je crois, A VOIR), moins violent que l'exaltation, le sommeil m'envahit et mon esprit s'extirpe, s'étire, se glisse vers la liberté, se dérobe à mon emprise, dérappe, départ pour des empires inconnus et pour Kadath l'onirique...

Terminus, tout le monde descend, le Spirit of Myself est abattu en plein vol, la réalité s'impose brutalement à moi : il est plus de 2 heures du matin (John McLaughlin / Mind ecology). Je dois rejoindre le sommeil avant qu'il ne me quitte. A mon grand regret, je suis encore plus cerf-volat que planeur, et une ficelle me retient toujours à terre. La nuit où je lalacherais, je pourrais vous parler de la Nuit, avec un grand N, celle qui apaise et qui fait peur, celle où voler est impossible car on ne peut qu'entendre nos pas sur le pavé, celle que j'ai goûté pour la première fois il y a des années en lisant le Pendule de Foucault, devenu pour cela un de mes livres fétiches, et celle qui depuis un certain temps déjà semble me délaisser, à mon grand regret. En attendant il me faut couper le contact et refermer la cage de mon quotidien. (Crash Test Dummies / Mmmm Mmmm Mmmm)



lundi, février 16, 2004

Grand Silence

Vient de re re re re re... voir Requiem for a Dream de Darren Aronofsky. Et comme à chaque fois, j'ai commis l'erreur de le voir seul. Enfin, erreur, je ne suis pas sûr. Je m'explique.

Après ce film, je suis incapable de communiquer. Là encore, ça fait une bonne heure que je l'ai vu, je peux commencer à sortir de mon mutisme. Et écrire n'est pas parler, c'est de loin plus facile. Toutes les personnes que je connais et qui ont vu ce film me disent avoir vécu la même chose la première fois : impossibilté de parler. C'est pas tellement qu'on est choqué. Mais il y a quelque chose. Et, plus important, impossible de supporter le discours des autres, quel qu'en soit le sujet.

Pour ceux qui ont vu le film plusieurs fois, il semblerait que l'effet s'estompe. Pas moi. A chaque fois je me fait avoir. Ce qui explique notamment pourquoi là, je n'écoute pas de musique, et que je préfère le grand silence, hélas brisé par le bruit du clavier. Si le téléphone devait sonner, je ne sais pas si je serais en mesure de répondre. Bon ne dramatisons pas, je suis pas non plus dans le coma.

Mon père, cinéphile, a vu ce film bien avant moi. Bien avant sa sortie en France d'ailleurs. Le seul commentaire qu'il a daigné lâcher sur ce film a été : "Je ne comprends pas qu'on fasse des films comme cela." Et il avait les épaules affaissées, les yeux tombant. En parlant de ce film il prenait 10 ans d'un coup (dont il se re-débarrassait aussitôt après). Effet de génération peut être, mais pour moi ce film a quelquechose... d'indispensable. Il fallait qu'il soit fait. Ce film est riche en monde. En être. A mon sens, tout le monde devrait voir ce film. Jusqu'au bout. Il devrait être inscrit au programme de l'Education Nationale, tiens, pour le secondaire (collège/lycée). Après tout, il n'est même pas estampillé du fameux "interdit au moins de 12/16/18 ans".

Une fois, pour le sens. Plusieurs fois, pour la construction du scénario, l'étude des cadrages, l'évolution des lumières, des types de plans. On sent qu'Aronofsky était photographe avant d'être réalisateur. Bien sûr, dans ce film il y a la dénonciation. Mais surtout, tout au fond, il y a l'humain. Je n'ai pas lu le bouquin dont est tiré le scénario. Je me demande si j'y trouverais autant. J'ai mis longtemps à passer de la musique (magistrale, de Clint Mansell, accompagné du Kronos Quartet) au film. Je suppose que je mettrais encore plus longtemps à passer du film au livre.

A chaque fois, la question est revenue sur le tapis : des 4 protagonistes, quel est celui qui subit le pire des sorts ? La réponse est quasi unanime : la mère, Sara Goldfarb. Peut être parce que l'on sait que le sien est définitif, qu'à son âge il ne pourra y avoir de rebond. Peut être parce qu'on a tous eu, sous les yeux, dans la rue, le même spectacle que celui qu'offre la mère au début de "Winter", le dernier tiers du film. Peut être parce que c'est celui que notre société avoue le moins.

Et puis il y a "l'environnement" du film. Jared Leto, qui joue le rôle du fils, Harry Goldfarb. Jeu juste, rôle en nuance, évolution bien menée, beau, brun, ténébreux, déchiré, fou, vivant, jeune. Et si on creuse un peu, on se retrouve avec Jared Leto, membre de Boys Band. Evidemment le choix de l'acteur n'est pas innocent. La vraie question ce n'est pas : "pourquoi avoir pris ce symbole vivant de la superficialité ?" mais bien : "Comment est il possible qu'il s'agisse de la même personne ?". Un peu comme quand on compare les rôles de Priscilla (dans Priscilla, folle du désert), de l'Agent Smith dans Matrix et d'Elrond dans Le Seigneur des Anneaux, et qu'on se rend compte qu'il s'agit du même acteur. How iz it possibeule ?

Dans l'environnement, il y a aussi "l'autre" film mythique de Darren Aronofsky. Pi. Pas encore vu. Mais entendre à droite à gauche qu'il s'agit d'une oeuvre Rose+Croix (ou Synarque, c'est selon), ça laisse déjà pas mal à penser. C'est vrai qu'après tout, Requiem for a Dream peut également être interprêté dans une optique de "propagande" Rose+Croix. Why not. Mais en même temps, c'est un peu n'importe quoi tout ça. Alors que ce que véhicule ce film, c'est loin d'être du n'importe quoi.

"Mais allez leur expliquer. Ils n'ont pas la foi". Derniers mots du Pendule de Foucault, d'Umberto Eco (si ma mémoire ne me fait pas défaut - A LIRE).



Toujours, TOUJOURS, mettre le son à fond en écoutant les Pixies. Sinon ça ne compte pas.



(The Breeders/Cannonball)

Assailli de toutes parts par des questions, je me retranche dans la citadelle de ma reflexion. Ma depressive me demande si je la supporte encore, après toutes ces années "sans progrès". Elle me dit de partir si je ne peux plus supporter ce qui m'est imposé. De ne pas me pourrir la vie à cause de sa maladie.

Pas la peine de faire un dessin sur ce qu'est l'amour et toute les conneries qui vont avec. J'ai pas envie de partir. Mais il est indubitable que parfois, le fardeau pèse bien lourd. Que parfois je pense à tout ce que je ne peux pas faire, à tout ce que j'ai déjà dû me résoudre à ne pas faire à tout ce que je dois m'attendre à refuser(Placebo/Ask for answers). Et j'ai l'impression de passer à côté de tellement de choses. De ma vie, peut être.

Ca c'est idiot, on ne passe pas à côté de sa vie, on la vit, forcément. Celui qui croit passer à côté de sa vie est un rêveur, un vélléitaire, voire une loque. Je suis heureux ; je ne peux le nier. J'ai la chance de voir la beauté du monde (ou la malchance d'être aveugle à sa laideur, c'est vous qui voyez), et je puise ma force dans ce sentiment de félicité. Et ma force me fuit quand je me disperse, quand je me désintègre pour intègrer le monde et que je ne le vois plus. Car pour le voir il faut s'en extraire, forcément. Je suis heureux avec ma depressive. Pas toujours bien sûr. Il m'arrive d'être en colère, d'être amer, d'être triste, d'être vide... (Benabar/Le Lapin)

Mais... Mais si un jour, j'en ai assez ? Si, dans le moule de la quarantaine, marié, père, et tutti quanti, je craque ? Invraisemblable. Sans prendre en compte les sentiments, j'aurai trop de scrupules pour ce genre de chose. Ce qui amène à la question de la morale qui pourrit la vie et empêche d'être heureux. J'ai enfin réussi à lire le tome 2 du Quartier Lointain, de Jirô Taniguchi (on commence à retrouver toujours un peu les mêmes thèmes chez lui, ou je me trompe ?). Alors forcément tout ça, ça résonne(Cinematic Orchestra/Blue Birds), ça se retourne, ça frappe à la porte de la conscience. La lecture vitaliste est une lecture partielle de Nietzsche. Nietzsche s'en prend à une morale, pas à la morale, à la Vérité, pas aux vérités. Il y a une morale dans la vie même. Ne pas céder à son égoïsme ne signifie pas étouffer sa propre puissance.

Je sais, à cause de mes scrupules, que je ne lâcherai rien avant que mes enfants ne puissent me comprendre. Je compte pas bousiller leur psychisme. Oui, si un jour, j'en arrive à tout lâcher, je serais passé à côté de quelque chose. J'aurais raté quelque chose. Et je sais quoi. J'aurais raté une vie égoïste. Je suis en train de passer à côté d'une vie égoïste. Tant mieux. Alors quoi ? Je souffre pour me donner bonne conscience, pour me dire que je ne suis pas égoiste ? (Sergent Garcia/El camino de la vida) Non, je ne crois pas. Pour la simple raison que pour l'instant, je ne souffre pas. Le bonheur partagé avec elle surpasse de beaucoup mes quelques instants de faiblesse. Et les siens. Ca doit être Bloch qui parlait du principe espérance auquel Jonas fait référence avec le principe responsabilité. L'espoir que la souffrance a une fin.

J'ai connu la souffrance, les cauchemars, la haine, la rage, la peur, le vide, la désespérance. Elle a su y mettre fin. Pourquoi ne pourrais-je à mon tour lui offrir la paix de l'âme ? (Yoko Kanno/Walk in the Rain... décidemment c'est ambiance joyeuse) Alors quoi ? Je reste par gratitude ? Par sentiment d'avoir une dette à régler ? Non plus. Je reste parce que je suis bien. Et que je me sens d'autant mieux que quelqu'un grâce à qui je me sens bien se sente bien grâce à moi (oulah chelou cette phrase). Je n'essaie ici de persuader personne. Ni moi, ni elle, ni vous.

J'ai parfois peur que sa guérison passe par mon abandon. Elle me dit que non. Le doute persiste. La confiance l'emporte (Massive Attack/Angel).



dimanche, février 15, 2004

(Ismael Lo/Nafanta)

Dingue. J'ai survécu à un vendredi 13 et à une St Valentin, les deux d'affilées, sans qu'on vienne me pourrir l'ambiance. Bon ceci dit, c'est peut être parce que je n'ai pas la télé, pas la radio et que je ne lis pas les journaux, et que dans la mesure où ma depressive était malade, je ne suis pas sorti.

Mais quand même en vitesse un reflexion sociologique : sur le net, on a beaucoup plus parlé du 14 février, ne serait ce que pour dire que c'était nul, que c'était une honte ou qu'on s'en fichait, que du vendredi 13, porteur de malheur ou de bonheur, selon((Java/BZZZ...). Je sais pas trop quoi en penser. Est-ce que les commerciaux qui pilotent nos courants de pensées se sont aperçus qu'ils tiraient moins de thunes de l'un que de l'autre ? En fait je me demande si ça vaut la peine d'y penser, surtout dans cette optique de post-moderne désabusé qui a le don de m'énerver prodigieusement chez les autres.

Et malgré ce WE tranquille, qui m'a aussi permis de revoir Beyrouth (pas la ville, un ami...), je sens la semaine pourrie. Allez comprendre. La reprise en main est possible. J'y crois à mort. Cette semaine, c'est la chance de ma vie. Plaie d'argent n'est pas mortelle...

J'ai pas été le seul à passer un week end loin des parfums, restos et autres colliers en toc. En premier lieu, en bas de chez moi, samedi 14 heures, manif bicoz le quartier va être cerné de caméras de surveillance (on peut consulter les emplacements, et quadrillé serait plus juste que cerné). La manif s'est déportée vers l'Hôtel de Ville, non sans que l'assocation qui menait la manif ( non à big brother ) ait accroché un ballon noir à chaque futur emplacement de caméra.(Télépopmusik/Breathe... rah le concert...) Ambiance sympa. J'ai du mal à savoir à quoi vont servir ces caméras puisqu'ici, personne ne se cache pour faire son négoce... Pour ? une preuve ? ah ouais. Pas convaincu qu'on soit obligé de monter de nouveaux moyen de contrôle si c'est à ce prix. On applique le principe de précaution dans le domaine de la santé, la présomption d'innocence dans la justice, et ce afin de ne pas faire d'erreur, afin que les mesures prises puissent être sous contrôles, sans que soit entamés les droits du citoyens. Pourquoi n'existe-t-il pas un semblable principe dans le domaine policier, statuant qu'il existe un domaine intouchable, avec des morceaux d'intimité et de liberté dedans, et que la moindre mesure s'attaquant à ce domaine, même de façon indirecte, devrait être rejetée ? (Paolo Conte/Wonderful) Certains m'apprendront peut être que ça existe, en me donnant un nom, une date. si ça existe dans les faits, tout ça, ça passe à la trappe, j'ai l'impression...

C'est énervant, ce genre de situation. Vous passez votre temps à dire le Sud, ce n'est pas QUE des vieux qui votent FN, et Lepen choisit la PACA pour se présenter (sans succès pour l'instant). Vous vous évertuez à dire que Télérama n'est pas un journal d'intellos cultureux branchouilles, parisien et méprisant, et paf Télérama sort un article qui porte aux nues ce boulet de Rodrigo Garcia et son spectacle Jardinage Humain/Jardineria Homana qui est justement intello-chiant, ultra parisien, faussement provocateur mais réellement foutage de gueule (Sigur Ros/Je sais pas écrire en Hoplandais, alors sachez que c'est la piste 7 de l'album Agaetys Byrjin, qui commence avec du piano et qui se termine brusquement avec les cordes frottées... Rah le concert à l'Auditorium, un pur bonheur...). Et vous vous evertuez à dire que les policiers ne sont pas tous cons, que les gars qui bossent à la Sécurité ont peut être des bonnes raisons de le faire, et résultat on vous fout des caméras dans les quartiers populaires. Comment vous voulez être crédible après ça ?

Et le second point (oui rappelez vous le premier point, c'était la manif pour dire que des gens passaient leur Week end autrement qu'avec la Saint Valentin), c'est la victoire du Maroc. Alors je dis Maroc, mais si ça se trouve c'est Tunisie, et je serai bien incapable de vous dire à quel sport. En tout cas c'était la fête dans le quartier.

Et pourtant, je la sens, la semaine pourrie, je la sens... déjà, là, la tentative de steak de saumon à midi me reste sur l'estomac... trop de poisson tue le poisson.



samedi, février 14, 2004

(Eels/E feels God)

On peut se taper de gros flips sur le projet de loi Perben II, qui rappellent à la fois Judge Dredd, 1984, Brazil, j'en passe et des plus joyeuses. C'est ce que j'ai fait. Mais ensuite ?

Toutes ces mesures n'affecteront peut être en rien l'humain, dans son essence, dans ce qu'il est de plus profond. Toutes ces mesures n'app...

Dring. Ah, les sushi.

Bon je reprendrai plus tard. L'appel du ventre.

(EDIT : c'est désolant de manque de finesse, mais suite à certains mails, je me vois obligé de préciser que ce post est entièrement volontaire, avec des vrais morceaux de sens implicites dedans)



vendredi, février 13, 2004

Tout homme devrait avoir, au moins une fois dans sa vie, pétrit et cuit le pain qu'il mange.

Ca devrait marcher aussi avec les gateaux au chocolat, à titre exceptionnel.



jeudi, février 12, 2004

L'album Buddy's Baddest de Buddy Guy, parce que rien ne vaut le bon gros blues électrique, parfois... et que j'ai envie d'un peu d'unité dans l'atmosphère, l'éclectisme c'est bien, en abuser, etc.

J'évolue dans un milieu où les imbéciles sont rares, et je m'en flatte. Ou du moins le croyais-je. La communication est quasi inexistante entre moi et mes compagnons d'infortune. De mon fait, d'ailleurs. J'arrive, j'écris, je lis, je me casse. Comme tous les autres. J'ai pour (sale) habitude de rejeter sur chaque individu la bêtise dégagée par la masse à laquelle il appartient. Du coup en présence d'un groupe, j'observe, je prends mes marques, j'écarte mentalement les imbéciles et attends de voir la réaction des plus intéressants. Qui, en général, font la même chose. En ce moment les personnes un tant soit peu réelles (j'entends par là : ayant une consistance intellectuelle dépassant les pâquerettes) se font rares, pour des raisons diverses, mais justes.

C'est dans ce contexte que, isolé, je prends plaisir à lire et à écrire. Et que je n'aime pas être dérangé. Et c'est dans ce contexte qu'un guignol entame la conversation (il devait ainsi avoir le sentiment de faire de l'humanitaire envers ce qui était vraisemblablement un dépressif ou un autiste). Misanthrope mais poli, je réponds, et la conversation s'oriente sur le professionnel. Il essaye de m'épater, j'esquive, il s'étonne, et je donne pour explication que "je ne compte pas me réaliser dans le travail"... laissant la phrase en suspend, puisque je pensais avoir à faire à quelqu'un ayant suffisament en commun avec moi pour se rendre compte qu'il serait temps de sortir des années 80.

Réponse du clown : "Quel idéalisme !"

Pour moi, l'idéalisme est une qualité (dans un certaine mesure), quelque chose de nécessaire à une vie honnête. Dans la bouche de la plupart de mes interlocuteurs, c'est également le cas. Pour ce petit mec, ce mot était chargé de tout le mépris dégoulinant que je m'efforce, sans vraiment y arriver parce que je suis fondamentalement bête et gentil, de prodiguer à ses semblables.

Chaque jour qui passe je suis un peu plus atterré d'entendre ce genre de chose. Outre la blessure de mon amour propre, que mon orgueil a bien vite refermé, ça me tue qu'on puisse encore croire à la réalisation de soi par le travail.

Non, c'est faux, ce qui me tue, c'est que DANS MON ENTOURAGE on arrive à y croire. Tellement dur qu'on arrive à s'écrier spontanément : "quel idéalisme !". Je ne sais pas ce qui m'a retenu de lui foutre mon poing dans la gueule. En y reflechissant, ça doit être par habitude. Je n'ai pas l'habitude de laisser traîner mon poing n'importe où.

Et puis c'est encore faux. Bien sûr, la réalisation par le travail est possible. Mais ça me semble tellement vain et illusoire... ou alors ce qui me tue c'est que, alors que moi je fais l'effort de comprendre comment la réalisation par le travail peut être encore cru possible, et même encore possible réellement, ce qui me tue disais je c'est "qu'en face" on ne fasse pas l'effort de penser à une réalisation hors du travail.

Oui ça doit être ça. Malgré mes répugnances à appréhender le concept, je fais l'effort de comprendre que certains puissent se réaliser dans leur travail (pauvre famille). Mais en face le même effort n'est pas fait. Ca me rappelle une discussion entre deux politiques opposés à la sortie d'un ballet contemporain. Le premier, à droite de la droite de l'extrême droite, s'adressant à l'autre : "Vraiment ! Je ne comprends pas comment vous faites pour aimer ça !" Le second, au milieu de la gauche du centre, un peu estomaqué, répond néanmoins : "C'est ce qui nous différencie. Vous ne comprenez pas que j'aime, alors que je comprends que vous n'aimiez pas..."

Et vlan pour Fernand.

Bon evidemment la question intelligente qu'il aurait pu me renvoyer (tout en restant méprisant, il faut rester dans une optique d'affrontement quand même) pouvait être : "Et dans quoi, alors ?" ou encore "Se réaliser ?" (avec cette seconde question il aurait marqué un véritable point, me mettant dans la position où moi je le tiens aujourd'hui). Mais pour cela, il lui aurait fallu un peu de lettres et d'esprit, etc. Sot.

La conclusion de tout ça c'est que cet imbécile m'a d'abord mis mal à l'aise, amenant la question "Serais je en train de me fourvoyer dans les choix faits pour mener ma vie ?", puis la réaction "tain mais t'en as rien à foutre de ce crétin" a été soigneusement envisagée, mais tout aussi soigneusement évitée comme toute réaction basique et bestiale qu'elle était. C'est donc l'ignorance et l'oubli (le tout teinté de cet éternel mépris dont j'arriverais peut être un jour à me débarrasser) qui l'ont emporté, associés à un bon bouquin.

Reste maintenant à me débarrasser de ce mépris, expression réactionnaire des doutes qui nous environnent. Ou pas.



mercredi, février 11, 2004

(Massive Attack/Just be thankful for what you've got)

Journée déception... tous mes dealers me font défaut. Mon dealer de papier n'avait pas l'Antiquissima Sapentia... (L'Antique Sagesse de l'Italie) de Gianbattista Vico, pas plus que le huitième tome du Trône de Fer de Georges R. R. Martin, ou que le cinquième tome des Chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card (en poche, s'entend). Du coup je me suis rabattu sur la suite des Rois Maudits de Druon et des Annales du Disque-Monde de Saint Terry Pratchett.

Puis mon dealer de carton n'avait pas reçu A Game of Throne.

En passant devant mon dealer d'image, je n'ai rien vu pour m'inspirer... mais je n'ai pas fait attention aux sorties du jour.

Et le dealer de silice n'est pas venu livrer ce qu'il aurait du livrer (Kusturica and the Oumza-oumza band/Piste 07... dont j'ignore le titre).

Enfin mes dealer de bon esprit habituels se sont révélés décevant et/ou fatigués. Ca doit être la saison.




mardi, février 10, 2004

Pour le fond sonore, aujourd'hui on se contentera de la BO du film Himalaya, l'enfance d'un chef, de Bruno Coulais (le même compositeur que Microcosmos, Le Peuple Migrateur...) et le groupe corse A Filetta (j'ai comme l'impression qu'ils bossent souvent ensemble, ceux là).

Pour le reste ce post est urgé (oui, urgé) par une nouvelle qui vient de tomber. Je comptais réserver le conseil du spectacle qui suit à un cercle restreint d'amateurs de marionnettes ou de gens de goûts, mais je viens d'apprendre que ledit spectacle se termine le 14 ou le 15 février. Donc à la fin de la semaine. Du coup, cher public, devant l'urgence de la situation, je me permet de faire cette pub éhontée de façon plus large.

Je ne suis pas parisien, j'ai du mal à apprécier Paris, mais force est de reconnaître que c'est encore là bas que se déroulent la plupart des spectacles intéressants (un des points que je reproche à Paris, d'ailleurs). Or donc, c'est un spectacle presque parisien que j'annonce.

Presque, car c'est au théâtre de Sceaux qu'il se tient, sur la ligne B du RER dont j'ignore la couleur. Le spectacle est le Maharabata (ou quelque chose comme ça) de Massimo Schuster, acteur, écrivain et marionnettiste ayant bossé notament avec les frères Di Rosa qu'il n'est plus besoin de présenter. Un spectacle à voir de toute urgence, 13 euros en tarif réduit, 18 euros je crois en tarif "paye tes 26 ans", qui reprend donc la plus grande épopée d'Inde, et qui fait suite au voyage de Schuster en... Inde. Il y a d'ailleurs un livre du même nom (Maharabata), bilingue Français/Italien, dans lequel Schuster explique son travail autour de ce spectacle et relate son voyage en Inde. Avec en plus des photographies centrales et en couleur de Brigitte Pougeoise (qu'Electre doit connaître puisqu'il me semble qu'elle a bossé avec la compagnie Arketal). Massimo Schuster, c'est un gage de qualité, je vous encourage vraiment à aller voir le spectacle (que je n'ai pas vu certes, mais j'en ai vu d'autres de Schuster et c'est toujours très bon).

Puisque je vous parle de Schuster, j'ai envie de continuer à faire sa promotion, sinon après je vais oublier. Comme dit plus haut, il est également écrivain. Le A LIRE de ce post ci ne sera donc pas du Gérard de Nerval comme je l'avais pensé (Mais damned pourtant, un jour faudra qu'on m'explique comment un type peut écrire aussi BIEN ! C'est le genre d'auteur qui doit donner envie d'écrire quand on est adolescent, mais ce stade passé, on se dit que personne ne peut encore écrire après lui !), mais sera un livre de Schuster. Non pas le Maharabata que je n'ai pas lu et que je ne saurais vous conseiller, mais un livre au titre des plus étranges :

STRZGWOP, ou la condition humaine. (A LIRE, donc)

Oui, ça en jette comme titre (éditions Arc-en-Terre, 1998). Je serais bien incapable d'arriver à démêler le sujet du livre, aussi je préfère copier ici le dos de l'ouvrage, qui vous donnera une idée plus précise du personnage et de l'oeuvre.

"STRZGWOP, ou la condition humaine : si ce livre s'intitulait La Théorie du Chaos nous vous parlerions de fluctuations, d'oscillations aléatoires et probablement aussi de phénomènes complexes non-maitrisables comme l'écoulement d'un fluide ou l'évolution d'une population animale. Il n'est pas exclu que nous irions jusqu'à discuter des conséquences inattendues du battement des ailes d'un papillon. Mais ce livre s'apelle STRZGWOP, ou la condition humaine. Il parle de Strzgwop, et de condition humaine."

Oui, Strzgwop est bien le personnage central de ce livre, universitaire à la Faculté de Chasse aux Mammouths en 50 351 av. JC. Le reste, je vous le laisse découvrir...



Hubert-Félix Thiefaine / Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot Coupable

"Coupable, coupable

J'me sens coupable d'avoir assassiné mon double dans le ventre de ma
mère et de l'avoir mangé
J'me sens coupable d'avoir attenté à mon entité vitale en ayant tenté
de me pendre avec mon cordon ombilical
J'me sens coupable d'avoir offensé et souillé la lumière du jour en
essayant de me débarrasser du liquide amniotique qui recouvrait mes yeux
la première fois où j'ai voulu voir où j'en étais
J'me sens coupable d'avoir méprisé tous ces petits barbares débiles
insensibles, insipides et minables qui couraient en culottes courtes
derrière un ballon dans les cours de récréation
Et j'me sens coupable d'avoir continué à les mépriser beaucoup plus
tard encore alors qu'ils étaient déjà devenus des banquiers, des juges,
des dealers, des épiciers, des fonctionnaires, des proxénètes, des
évêques ou des chimpanzés névropathes
J'me sens coupable des lambeaux de leur âme déchirée par la honte et
par les ricanements cyniques et confus de mes cellules nerveuses
Je me sens coupable, coupable !

J'me sens coupable d'avoir été dans une vie antérieure l'une de ces
charmantes petites créatures que l'on rencontre au fond des bouteilles de
mescal et d'en ressentir à tout jamais un sentiment mélancolique de
paradis perdu
J'me sens coupable d'être tombé d'un tabouret de bar dans un palace
pour vieilles dames déguisées en rock-star, après avoir éclusé sept
bouteilles de Dom Pé 67 dans le seul but d'obtenir des notes de frais à
déduire de mes impôts
J'me sens coupable d'avoir arrêté de picoler alors qu'il y a des
milliers d'envapés qui continuent chaque année à souffrir d'une cirrhose ou
d'un cancer du foie ou des conséquences d'accidents provoqués par
l'alcool
De même que j'me sens coupable d'avoir arrêté de fumer alors qu'il y a
des milliers d'embrumés qui continuent chaque année à souffrir pour les
mêmes raisons à décalquer sur les poumons en suivant les pointillés
Et j'me sens aussi coupable d'être tombé de cénobite en anachorète et
d'avoir arrêté de partouzer alors qu'il y a des milliers d'obsédés qui
continuent chaque année à souffrir d'un claquage de la bite, d'un
durillon au clitoris, d'un anthrax max aux roubignolles, d'une overdose de
chagatte folle, d'un lent pourrissement scrofuleux du scrotum et du
gland, de gono, de blenno, de tréponèmes, de chancres mous, d'HIV ou de
salpingite
Je me sens coupable, coupable !

J'me sens coupable d'être né français, de parents français,
d'arrière-arrière... etc. grands-parents français, dans un pays où les indigènes
pendant l'occupation allemande écrivirent un si grand nombre de lettres
de dénonciation que les nazis les plus compétents et les mieux
expérimentés en matière de cruauté et de crimes contre l'humanité en furent
stupéfaits et même un peu jaloux
J'me sens coupable de pouvoir affirmer qu'aujourd'hui ce genre de
pratique de délation typiquement française est toujours en usage et je
prends à témoin certains policiers compatissants, certains douaniers
écœurés, certains fonctionnaires de certaines administrations particulièrement
troublés et choqués par ce genre de pratique
J'me sens coupable d'imaginer la tête laborieuse de certains de mes
voisins, de certains de mes proches, de certaines de mes connaissances, de
certains petits vieillards crapuleux, baveux, bavards, envieux et
dérisoires, appliqués à écrire consciencieusement ce genre de chef-d'œuvre
de l'anonymat
J'me sens coupable d'avoir une gueule à être dénoncé
Je me sens coupable, coupable !

J'me sens coupable de garder mes lunettes noires de vagabond solitaire
alors que la majorité de mes très chers compatriotes ont choisi de
remettre leurs vieilles lunettes roses à travers lesquelles on peut voir
les pitreries masturbatoires de la sociale en train de chanter c'est la
turlutte finale
J'me sens coupable de remettre de jour en jour l'idée de me retirer
chez mes Nibelungen intimes et privés, dans la partie la plus sombre de
mon inconscient afin de m'y repaître de ma haine contre la race humaine
et même contre certaines espèces animales particulièrement sordides,
serviles et domestiques que sont les chiens, les chats, les chevaux, les
chè-è-vres, les Tamagochis et les poissons rouges
J'me sens coupable de ne pas être mort le 30 septembre 1955, un peu
après 17 heures 40, au volant du spyder Porsche 550 qui percuta le coupé
Ford de monsieur Donald Turnupseed
J'me sens coupable d'avoir commencé d'arrêter de respirer alors qu'il y
a quelque six milliards de joyeux fêtards crapoteux qui continuent de
se battre entre-eux et de s'accrocher à leur triste petite part de néant
cafardeux
Je me sens coupable, coupable !"

De préférence, la version Live à Bercy.



lundi, février 09, 2004

(Venus/Welcome to the Modern Dancehall)

A noter pour les rhodaniens : Bireli Lagrène en concert, avec Poum-tchack, le 28 février à l'Auditorium, 20h30.

Biréli Lagrène, LE Biréli Lagrène, le guitariste jazz/gypsi à ne pas manquer sur scène en ce moment... Bon moi, je n'y serais pas, c'est dans les 20 euros donc hors de question, et puis je l'ai déj vu deux fois, mais vous, foncez y !

Biréli Lagrène qui a joué avec les plus grand alors qu'il est encore jeune (bon ok de moins en moins jeune, mais avouez que sur un CV, avoir joué avec Jaco Pastorius, Grapelli, Petrucciani, Vincente Amigo, André Ceccarelli, Richard Galliano, Didier Lokwood et les 3 Guitares Di Lucia, Meola, et McLaughlin ça le fait pas mal à moins de 40 ans), qui était il ya encore peu en duo avec Sylvain Luc, autre grand guitariste (qui a ensuite fondé le Trio Sud), pour l'album Duet et en concert à droite à gauche... d'ailleurs la première fois que je l'ai vu, c'était pour un concert avec Sylvain Luc.

Le concert se passe à merveille, Luc et Lagrène se répondent et s'enchaîne avec un plaisir apparent, alors que dans la salle, la "famille" de Lagrène fait la fête. Devant moi, un professeur de guitare qui a amené ses élèves au concert. Il a la cinquantaine passée, et après environ une heure de concert il fait la remarque suivante à ses élèves : "vous voyez, Biréli, il s'est quand même vachement assagi : il joue avec le pouce, alors que Sylvain Luc, lui, mitraille encore au médiator". Effectivement le jeu de Biréli Lagrène est plus soft. Mais il suffit que le morceau se termine, pour que Biréli dise quelques mots, inaudibles du public, à Sylvain Luc et récupère le médiator de ce dernier. Il entame alors une succession endiablée, comme en réponse au commentaire du prof. Ce dernier, d'ailleurs, est mort de rire...

L'autre concert, c'était lors d'une grande convention de guitaristes, et Biréli Lagrène partageait la scène notamment avec Slash, le "mythique" guitariste des Guns'n'Roses (Me1/Game Plan). Ce dernier arrive, guitariste hard rock classique, déguinguandé, cheveux long bouclés, lunettes noires et rondes, guitare à la main, clope au bec, il branche son jack sur une espèce de pédale disto/wawa pourrie. A côté, Biréli Lagrène, assis, rondouillard, pantalon, chemise, manches remontées, lunettes aussi, sourire au lèvre en voyant l'apparition. Les impros tournent de quitariste à guitariste, et Slash a clairement du mal à suivre (en même temps on peut se demander si c'est bien une clope qu'il fumait). Puis, lassé de tout ce classicisme, il lâche un hurlement de sa guitare électrique, disto à fond et effet de wawa travaillé... on sent la pédale disto qui a été ressoudé à la main une dizaine de fois, avec le son bien sale comme il faut pour faire du rock, des solos de la mort et des riffs sanglants (cf le solo de November Rain des Guns). Puis ayant terminé sa partie il se tourne vers son voisin, Biréli, pour que ce dernier enchaine. Large sourire de ce dernier, avec sa guitare sèche. Et là, j'ai pas encore compris comment, mais il sort EXACTEMENT LE MEME HURLEMENT de sa propre guitare, en triturant les clés qui servent à accorder les cordes TOUT EN JOUANT (pratique dont il use couramment). Je ne sais pas si vous rendez compte. A main nue avec une guitare classique, il sort le même son que Slash avec une pédale d'effet sur-travaillée et un ampli... Mine déconfite de ce dernier, qui enchaine sur un solo endiablé pour relever le défi, et Biréli qui suit, note pour note, effet pour effet... Sur la scène comme dans la salle, tout le monde est mort de rire. Sauf Slash, qui finit quand même par dessiner un maigre sourire...(Afro-Celt Sound System/North 2)



dimanche, février 08, 2004

(Pink Floyd/Money)

Il faut une première fois à tout. Ce soir, ça été l'héroïne. N'aie crainte, public, il n'est nulle question ici de consommation (en ce qui me concerne en tout cas).

Mon quartier est un quartier... comment dire ? folklorique. Un mélange de Chinatown et de Médina. Avec le soleil en moins, vu que c'est l'hiver, et un tramway en plus. Le carrefour au centre de cet étrange rassemblement forme une croix parfaite. D'un côté Casablanca, de l'autre Saïgon. A droite les kebabs, à gauche les traiteurs asiatiques. Au milieu, la croix, dont l'une des branches est la ligne de tramway, avec un arrêt tout en longueur, couvert et doté de sièges. De l'autre côté du carrefour, le parvis du clip. Une foule permanente là bas, pressée contre le bâtiment du clip par les travaux du métro. Là, les bonnets en poils de chèvre taillent le bout de gras. Ou plutôt marchandent. Personnellement je ne comprends rien aux tractations passées. Dans le détail ; parce qu'en gros c'est assez clair : refourgue de matériel volé, circuits de commerce parallèle, etc. Une ambiance détendue donc, que je recommande à toute personne en mal de rebellion contre la society.

Bien ; revenons de mon côté du carrefour. Devant l'alignement des boutiques, ce n'est plus une foule serrée, mais une enfilade de solitaires ou de groupes de deux ou trois. Je défie quiconque de marcher 100 mètres sans que, par 5 fois au moins, on lui ai demandé, en passant, sans regarder, d'une voix tellement chuchotée qu'on ne s'explique pas de l'avoir entendu : "t'cherches quelqu'chose ?", ou bien, pour les plus éloignés, sans qu'on arrive à vous accrocher le regard et, l'air interrogateur, la tête bougeant à peine d'un air de dire "t'cherches quequ'chose ?".(Brad Mehldau/Am Zauberberg)

Il est de notoriété publique à Lyon que c'est ici que vous trouverez vos paquets de Camel à 2 euros. Ce dernier commerce est assez récent, et a eu le mérite de faire baisser la vente de shit (acheté aux mêmes personnes que les clopes). Bon jusque là, pourquoi pas, on vend des clopes de contrebande et du shit en bas de chez moi, je m'en fous un peu (en fait non, je ne m'en fous pas, mais pour les besoins de la démonstration, on supposera que je m'y suis habitué). Le seul truc qui me dérange, à la limite, c'est, alors même que je passe devant ces affables commerçants environ deux fois par jour depuis plus de deux ans, et que systématiquement je réponds par la négative à leurs propositions, la seule chose qui me dérange, disais je, c'est que dans ces conditions, on continue à me demander. Ces gars là ne doivent pas être très physionomistes.

Bref. N'ayant toujours pas payé mon abonnement TCL, je rentrais à pied de Villeurbanne où j'avais à faire, et je teste quelques raccourcis à droite à gauche parce que j'ai la dalle et qu'il fait froid.

Rue déserte, seuls les lampadaires percent les ténèbres et il n'y a que mon pas pour mettre un peu d'animation. Musique stressante, s'il vous plait. Au bout de la rue, une silhouette surgit, tourne et se dirige dans ma direction, pas du tout l'air menaçant si ça peut vous rassurer. Au fur et à mesure que nous approchons du point d'impact, je le distingue mieux. Un homme pas très grand, la quarantaine bien passée, moustache poivre et sel, et bien sûr, parka et bonnet en astrakan. Turc, peut être (on apprend vite à faire la différence entre les Turcs, les Arméniens, les Grecs, les Roumains, les Croates, les Libanais, les Syriens, les Palestiniens, les Egyptiens, les Algériens, les Tunisiens, et les Marocains. De même qu'entre les Chinois, les Japonais, les Coréens, les Vietnamiens, les Thailandais...) (Noir Désir, repris par Yann Tiersen/A ton étoile). Le personnage ainsi posé, je m'apprête à répondre par la négative à la question rituelle qui sera murmurée quand on se croisera, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher, et sans que les regards se croisent.

Nous nous croisons donc, et j'entends, murmuré, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher et sans que nos regards se croisent :

"Héroïne ?"

...

Malgré la surprise, les reflexes prennent le dessus, je secoue la tête et continue de marcher.

Mine de rien (gisement épuisé), ça ne m'a pas laissé indifférent, comme rencontre. L'héroïne c'est pas de la petite bibine. Evidemment que ça se trafiquait en gros devant le clip, mais je ne pensais que ça se dealait aussi au détail. Alors vous allez me dire : "oui m'enfin bon, c'est un peu facile de pas réagir au shit et aux clopes et de réagir à l'héroïne, c'est manquer gravement de discernement." Calmons le jeu (Yoko Kanno/Want it all back). Ce n'est pas à vous, internautes, que je vais apprendre qu'il y a une différence entre savoir et vivre. Cet écart je l'ai encore ressenti il y'a quelques minutes, tout simplement en marchant dans la rue.

Je ne sais pas quelles conclusions en tirer. Si vous avez un avis à ce sujet, faites le moi savoir. Moi je reste perplexe pour l'instant. On verra plus tard. En attendant j'ai des nouilles sur le feu.



(Ismael Lo/Dibi dibi rek)

Entendu cet après midi devant un lycée en revenant du Leader Price (oui je sais Leader Price c'est le mal il faut aller faire ses courses au marché du coin le samedi matin. Promis quand j'aurais un vrai boulot avec un solde en positif après le premier dimanche du mois je ferais ça) où j'étais retourné faire des courses :

Un djeun's, avec chemise à jabot, qui explique à son homologue djeun's que la chemise à jabot, c'est fondamentalement rebelle dans la société actuelle. Et l'autre qui se fout de lui, et désignant son propre piercing à l'arcade, lui explique que CA c'est rebelle.

Avec ce genre de considération, on est pas sorti. Maintenant que j'y repense je me demande ce qu'ils foutaient devant un lycée un samedi.


Et sur un autre sujet, une expérience tentée ce soir confirme : le jeu aussi ça sert à sortir de la dispersion. A ce rythme là je serais tout rassemblé pour mon entretien de boulot lundi. Royal.

Le jeu en question (colons de catane pour deux joueurs) m'opposait à Canada, et a fourni un pretexte à bouffe (crique... rah j'ai pas racheté de patates) et discution (Mum/Now there's that fear again). Comme je suis un peu monomaniaque ce week end, j'ai sondé Canada, et conclusion il a aussi pu connaître des dispersions. Ce qui est rassurant, c'est que Canada est le modèle type du gars équilibré et sain. Ingénieur en télécom ou quelque chose comme ça, sportif mais pas trop, ouvert, humble mais pas du genre à se déprécier, scientifique qui lit des livres, cinéphile, etc. Bon il a aussi des défauts, hein, faut pas rêver, mais je veux dire que si un type comme lui connaît la dispersion c'est soit 1) que je me trompe à son sujet 2) que c'est un phénomène beaucoup plus large que je ne le croyais, et qui donc ne se limite pas forcément aux marginaux/faux-marginaux/moins de 30 ans 3) que je l'ai mal sondé (Boby Lapointe/Le tube de toilettes... mon dieu...) . Mon orgueil naturel m'interdisant de considérer deux de ces trois options, il n'y a qu'une conclusion possible. Je vous fais confiance pour déterminer de laquelle il s'agit.

Qui pose d'autres questions :
la dispersion est elle moins rare qu'elle ne le semble ?
est elle même systématique ?
est elle alors indispensable (Lhasa/Anywhere on this road) ? Naturelle ?



samedi, février 07, 2004

(Miossec/Que devient ton poing quand tu tends les doigts ?)

Toujours sur la dispersion... (ça me travaille, voyez vous...) Je me suis rendu compte d'un truc en prenant ma douche (moment où je reflechis beaucoup... et moment rare en période de dispersion. Le simple fait de prendre une douche est un signe de re-concentration). Un des éléments essentiel, ou en tout cas récurrent, semble être l'art. Production ou "consommation".

D'une manière générale, je m'interrogeais sur cete notion d'art, qui regroupe tant l'écriture que l'écriture mise en acte (le théâtre), l'acte mis en image (cinéma), la représentation statique (peinture, sculpture, etc) ou l'intellectuel traduit dans le sensible (la musique). Je me demandais comment on en était venu à les rapprocher. Les réponses viennent vite, frolant l'évidence : 1) actes gratuits "superflu" qui nous distinguent de l'animal... sauf que pour ma part je suis quand même persuadé que l'art n'est pas superlu à nos existences mais répond à nos besoins. En cela il est naturel (si on en a le courage, on peut jeter un oeil au film Andreï Roublev de je ne sais plus qui). 2) actes de représentation du réel (sensible ou intellectuel). Bon, ok, pourquoi pas. On peut dire que la peinture abstraite est une représentation de l'intellectuel, d'accord, puisqu'elle n'est pas représentation du sensible. Le problème restant que, à moins d'erreur de ma part, elle se refuse à être une représentation TOUT COURT. Donc même pas une représentation du non-sensible. Enfin ça c'est pas mon problème, c'est celui des peintres de ce mouvement (Noir Désir/Les Ecorchés) .

Bref, pour moi, ça en revient surtout à mettre quelque chose au monde. Je n'emploierai pas le terme de créer que je reserve à l'ordre divin, mais inventer, composer, mettre au monde, ça me convient. Et c'est là, public qui se lasse, que l'on retombe sur la dispersion. La création artistique est un remède à la dispersion. Et maintenant que je l'écris ça me fait penser aux Chroniques d'Alvin le Faiseur de Orson Scott Card (A LIRE), Alvin, Faiseur, qui se retrouve à lutter contre le Défaiseur (en très gros, le Diable). Et cette référence à Alvin m'oblige à associer l'artisanat à l'artistique dans le combat contre la dispersion. Après tout, ça reste de l'art, hein. Mais bon, tout ça c'est bien joli, mais on ne s'appelle pas tous Keats, Coppola, Reza, Miyazaki, ou Michelange. Nous ne sommes pas tous prêts à nous lancer dans l'aventure artistique. Moi le premier.

Et pourtant, l'art m'aide à sortir de la dispersion. L'art remplit ma dispersion et me maintient en vie durant ces crises. Musique en permanence, livres dévorés en deux heures, CNP quand j'en ai les moyens (Africando All Stars/Betece)... L'art garde son pouvoir "maïeutique" (ça doit bien exister ce mot, pour dire : de mise au monde), au delà de l'effet produit par l'artiste, sur celui qui se retrouve confronté à l'oeuvre. Le spectateur en profite finalement autant que l'artiste.

"(Vaneck)-Et tu comptes l'encadrer ?
(Lucchini)-Ca ne s'encadre pas. Volonté de l'artiste. Viens voir. Tu vois ce bord ? C'est une sorte de kraft confectionné par l'artiste...
(V)-L'AAArtiste, hein...
(L)-Ben oui, quoi, l'artiste ?
(V)-Je ne sais pas, tu dis toujours l'artiste, et pas le peintre, ou l'auteur, comme s'il s'agissait d'une sorte de divinité...
(L)-Mais tout à fait ! Tu ne crois tout de même pas que j'irai claquer 20 briques pour la production d'un simple mortel ?"

citation approximative de tête, Art de Yasmina Reza (A LIRE, A VOIR)

(The Clash/London Calling)



(Java/Hawaii)

Mystère toujours pas résolu, mais de bien piètre importance, alors... passons.

Finalement, c'est la dispersion qui a vaincu. Je ne suis pas sorti (contrairement à d'autres... ;) ), je ne suis pas allé rejoindre les rires et les gens... Mais j'ai quand même lutté, ceci dit, et vaillament encore. Je suis allé faire des courses. Oui monsieur, oui madame. En période de dispersion, c'est plutôt rare. Ca n'arrive pas, en fait. Et, épreuve suprême, j'y retourne demain. Ben oui, parce que mine de rien, ça faisait bientôt deux mois que les courses n'étaient pas faites... donc faut remplir.

Bref (Dave Brubeck Quartet/Kathy's Waltz). La dispersion est-elle le néant ? A priori oui, ou en tout cas je la conçois comme telle, sinon je ne la nommerais pas ainsi. Le Néant... je serais donc comme les autres atteint par ce nihilisme moderne qui me répugne. Bon, au moins, ça n'est pas au jour le jour, mais par crise. Le Vide qui Ronge. Toujours ce même thème. Je ne sais pas s'il ronge le monde, comme je le crois, mais ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il me ronge, moi. A rapprocher peut être de l'Ombre qui Rampe ? Oui sans aucun doute. Un Néant qui est pire que le Mal, qui est pire que la mort. Indéfinissable, on ne le distingue que par le manque du reste.

Ce qui m'amène à réviser mon jugement. Le Néant existe certes (enfin non il n'existe pas, vu que c'est justement la non-existence... mais bon vous avez suivi le principe...), mais la dispersion n'est pas le Néant. Justement parce que 1) elle est 2) elle n'anéantit pas, elle disperse, elle fragmente, elle brise et éloigne, cache, balaye, éclate. Voilà qui est rassurant. La dispersion dont je suis victime (et je ne suis pas le seul, comme j'ai pu le constater dans divers blog ou plus prosaïquement dans la vie de mes proches et de mes moins proches) n'est pas une expression de nihilisme. C'est donc une expression de vie, d'être (Radiohead/Planet Telex).

Mais comment la vie peut-elle engendrer un tel comportement ? La dispersion est un dévoiement de la vie. Elle est multiplication de l'Un. Et ? C'est mal, ça, la multiplication de l'Un ? En quoi ?

Bon, j'ignore si la multiplication de l'un, c'est mal, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que c'est mauvais. Parce qu'à moyen terme, et si elle ne s'exprimait au travers de crise à durée déterminée, la vie serait clairement mise en danger. Est-ce cela, la dépression ? Une crise de dispersion à durée indéterminée ? Comment se retrouver à soi, se regrouper ? Se concentrer ? Peut être que l'analyse de mes fins de crise me permettrait d'essayer d'aider ma depressive (The Cinematic Orchestra/Durian). Douloureuse incertitude, vertigineux sentiment d'impuissance face... j'allais écrire face au néant. Car pour le coup, il me semble, d'un point de vue extérieur, que c'est bien le Néant qui coupable de la dépression.

Ce qui implique que la depression n'est pas une crise de dispersion prolongée. A moins que la dispersion ne mène à la depression ? Aucune envie de le vérifer.

Avec la dispersion est revenue la fringale de lecture (je ne trouve pas d'autre mot que fringale pour ce sentiment. Je pourrais employer boulimie, mais allez vous employer le terme de suicide sur la tombe d'un suicidé ?). Elle fait s'évader mon esprit, mais garde mon corps immobile, chez moi, seul (oui parce que là il fait encore un peu juste pour aller lire au soleil). Du coup, participe-t-elle ou combat-elle la dispersion ? Je serais tenté de dire qu'elle la combat. Car lecture nécessite concentration (Metallica/Nothing else matter... j'ai ça moi ?).

Et puis en fait, cette concentration, cette non-dispersion est elle seulement possible ? Je suis le moi qui est moi, et je suis le moi qui est en ceux qui me connaissent, et mon moi est non seulement moi, mais aussi le moi de ceux que je connais, après tout. Ainsi dispersé, comment puis je prétendre à la concentration ?

Ego sum qui sum, dit le Dieu d'Abraham, de Jésus et de Mahomet. Ego sum qui dubito, reprend ce fourbe de Descartes (si je ne m'abuse, à l'instar du docteur). Et ego dans l'affaire, je suis qui ? qui scripto ? qui bloggo ? (BO In the Mood for Love/Yumeiji's Theme... autant finir là dessus)



(Morcheeba/Otherwise)

Le retour de la vengeance du mystère... J'ignore encore où est ce que j'ai planté la première fois, mais je persévère.

A LIRE (seconde édition) : Si l'Europe s'éveille, de Peter Sloterdijk, ed. 1001 nuits (mais pas dans la petite collection)



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