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mercredi, septembre 29, 2004

(Album OneTrip/OneNoise des remix de Noir Désir)

L'information n'est pas la connaissance... je crois que la citation vient d'un livre de Caleb Carr. On peut sûrement trouver mieux comme référence, mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

J'étais déterminé à poster quelque chose sur la "Civilisation du Commentaire", comme on me l'avait demandé (et oui, j'aurais alors expliqué pourquoi Sciences Po, c'est le Démon), et c'est pour cela que j'avais repensé à cette phrase.

Maintenant je ne sais plus, je n'ai plus trop l'inspiration... mais je vais quand même essayer d'en dire quelques mots.

On m'a inculqué le respect de la connaissance, et au delà, de l'éruditon. Restait à savoir ce qu'était la connaissance. Bon, je n'ai pas envie de me lancer dans la psychologie, dans les sciences cognitives ou dans l'épistémologie, donc on va faire simple et rester à un niveau bitable (par opposition à imbitable, hein).

Finalement la connaissance d'une chose c'est le contact direct avec cette chose. Je peux dire que je connais les oeuvres de Zola si j'ai lu Zola. Pas si j'ai lu un Profil.

Je connais les vaches si j'ai vu, touché, nourri, des vaches. Pas si j'ai vu des vaches à la télé.

Je connais le problème irakien si je suis allé mettre les pieds à Bagdad. Pas si je suis resté derrière mon bureau.

Et c'est là qu'on rentre dans la perversité de la Civilisation du Commentaire, c'est là que je dis qu'il n'y a pas pire que certains journalistes.

On n'accorde plus de valeur à la connaissance, ce qui compte c'est être informé, savoir. Savoir sans connaître. Alors, je dis : "on n'accorde plus", ça peut faire passéiste, c'était mieux avant, alors je corrige : je ne sais pas si avant on y accordait une quelconque importance ; mais je le crois, vaguement.

Peu importe, j'en parle
Peu importe, je sais...

On dit des choses, on lit des trucs, on a une vague idée de... Mais en définitive, que sait on ? Pas grand chose. Et on ne connaît rien, grosso modo.

Les lycéens lisent des Profils, les étudiants lisent le 20 Minutes et ensuite on regarde le JT...

Qui va encore lire Platon dans le texte ? Ou seulement essayer ?
Qui va passer un an dans la Médina ?
Qui bricole encore son appart' ?

On ne FAIT plus rien de ses 10 doigts, on ne connaît plus rien par soi même, on absorbe les informations en les confondant avec des connaissances... On peut penser aux chiffres bien sûr, colonnes de symboles dont on a perdu le sens, mais c'est une évidence reductrice.

La réponse "personne" est fausse bien entendu. Il existe des gens qui fouillent, farfouillent, vivent, ressentent, bougent... A l'origine ce sont eux qui commentent, et c'est grâce à eux qu'on peut prendre connaissance du pôle sud et de sa faune sans jamais y aller. Mais on peut observer un double phénomène : dans un premier temps la réduction de cette catégorie ; dans un second temps, quelle importance si le paysan du Midwest ne connait rien à laproduction de riz en chine ? Aucune ; çadevient important s'il en parle sans rien y connaître, et cette catégorie là de personne augmente : celle qui parle. On pouvait ne pas parler, car on ne savait pas.

Il est devenu impossible de ne pas parler ; connaître est devenu facultatif. Un peu comme les blogs : d'abord je parle, ensuite je reflechis à ce que je peux dire...

Ca peut se traduire autement : quand on étudie quelque chose, on ne l'étudie surtout pas à fond, on s'en contente de le survoler, histoire de pouvoir en parler sans avoir l'air de dire de connerie, mais si on ne sait pas forcément à quoi correspond ce qu'on dit.

Et tout ça, c'est très proche du Mal, quand même. Et la formation dispensée par Sciences Po (que, je l'avoue, je ne connais pas au sens de la définition que je donne de connaître, mais dont j'ai eu sacré aperçu dans ma famille et mes amis) c'est exactement cela : savoir parler, même sans connaître avec précision et profondeur. Ce n'est pas pour rien que le terme de "Science Poseur" s'est répandu si rapidement... Le pire étant, que nul au sein de cette institution ne nie cet état de fait ; ce qui en revient à dire que c'est normal... ce qui revient à dire qu'on a zappé un truc... vous savez, là : la primauté de la connaissance sur l'ignorance.

Et le problème vient également quand les commentaires deviennent tellement nombreux, qu'on a droit à des commentaires de commentaires (jetez un oeil aux sujets de mémoires dans les facs de science actuellement), et même plus des commentaires de faits.

Ca me refait penser à Asimov, ça devait être dans Fondation et Empire, quand un archéologue donne son avis sur la Terre... Y est-il allé ? Non. Il a lu les avis de ses confrères et émet un jugement équilibré entre les deux.

Et avec ça ? Ce s'ra tout. Je vous avais prévenu que je n'étais pas inspiré aujourd'hui. Mais vous avez saisi l'idée.



lundi, septembre 06, 2004

(Shiroh Sagisu / A Crystalline Night Sky)

Bon bé... quand faut s'y remettre, faut s'y remettre. Des années avec télé. Des années avec télé et ordi. Des années avec ordi. Des mois sans rien...

Chers amis... et là je m'arrête. Je m'arrête parce que j'ai failli effacer pour écrire : "Chères amies, chers amis", puis "Chèr(e)s ami(e)s". Et ça me prend le chou, alors soyons clairs (Lhasa / Mi Vanidad) : je ne suis pas phallocrate, misogyne ou je ne sais quoi, mais vous allez pas me casser ce qui me différencie d'une femme, et on va gagner du temps et sortir un peu de ces revendications mal placées quant à la typographie et à la grammaire française. Je met au masculin, ça englobe tout le monde et vous n'allez pas m'emmerder, merci. Bon ça, c'est fait.

Reprenons : "Poètes et Paysans" (un twix ou autre cochonnerie équivalente à celui qui relève la rèf.)

Chers amis, chers ennemis, chers autres.

Tout d'abord je tiens à me saluer pour avoir relevé ce qui a constitué mon plus gros défi de l'année 2004 pour l'instant : finir La Mobilisation Infinie de Sloterdijk. Les plus attentifs d'entre vous auront remarqué que ce bouquin apparaissait et disparaissait régulièrement de la section Livre en cours (Me1 / Old Fashion). C'est dire que cet ouvrage je m'y suis repris à maintes reprise avant d'en voir le bout. Un peu comme le Silmarillion, quoi. Juste un poil plus compliqué ceci dit... Mais la conclusion s'impose : Sloterdijk est un monstre, et si Habermas le qualifie de plus gros penseur allemand de la seconde moitié du XXe, je me permettrai pour ma part de le placer comme plus gros penseur européen actuel, et je le sens bien comme fondateur de la pensée du XXIe. Et en plus ila de l'humour, ce qui ne gâche rien. Même si on met un moment à comprendre que c'est une blague, quand il en fait une. Ca reste un philosophe allemand, hein. (Sigùr Ros / le morceau avec un arpège de guitare au début et la batterie qui rentre zen, et les voix qui partent vaguement en canon derrière et des cuivres aussi, dont une flûte et une trompette notamment... c'est la piste 8 de Agaetys Byrjin, orthographe incertaine, débrouillez vous avec Google) Il y a juste une chose qui fait un peu rire jaune, c'est qu'on se dit que le propos qui nous intéresse commence à la page 199... Notez que le reste est génial aussi (je pèse mes mots), mais que "moi personnellement je", je me suis tapé 150 pages ardues pour arriver à la pépite de la 200eme page. La récompense n'en est que plus savoureuse, ceci dit. bon, Sloterdijk, c'est fait aussi, vaguement, mais c'est fait.

Je me rends compte que ça ressemble de très loin à une ébauche de croquis d'esquisse de brouillon de schéma grossier d'idée vague d'un commentaire du bouquin, au dessus. Bon. Si ce genre de chose m'arrive, arrêtez moi tout de suite. Il n'y a rien de pire que le commentaire raisonné d'une oeuvre. Ca fait partie des éléments qui me font
rejeter de façon viscérale l'étude des lettres telle qu'elle est menée aujourd'hui, j'ai déjà du en parler plusieurs fois, y'a rien qui m'énerve plus dans le domaine de l'enseignement supérieur, à part peut être Science Po, qui finalement reste dans la même lignée du commentaire.

Je m'explique, ou plutôt j'essaie. (Nirvana / Where did you sleep last night ? ... un crochet du droit qui me renvoie au collège...) Vous lisez un livre, écoutez un morceau, voyez un film ou un tableau. Il est bon. Vous êtes touchés, émus, impressionnés. Bref, cette oeuvre, c'est la classe internationale, la Palme d'Or. Comment en parler correctement à autrui (violette) ? Il y a la solution médiocre et universitaire : on disséque, on analyse, et on fait comprendre pourquoi c'est bien. Notez que c'est utile : ça permet de produire des sous-ersatz qui vont plaire à la masse et ça va faire du blé.

Mais soyons francs. Pour commenter correctement une création, il n'y a pas 36 méthodes : il faut créer également. En ayant vu l'oeuvre, vous vous l'êtes approprié. En en parlant à une autre personne, vous n'allez pas parler de l'oeuvre qui vous a été présentée (objectivement), mais de l'oeuvre que vous avez vu (subjectivement). Essayer, dans ces conditions, de transmettre à autrui ce que contient cette oeuvre sans passer par la case Personnalisation, c'est une entreprise vouée à l'echec (Mano Solo / Des Pays). Notez que je ne dis pas que pour parler d'un tableau il faille peindre. Mais... plutôt que de parler de dire qu'Impression, Soleil Levant, c'est une Soleil au dessus de la mer, ou une tâche rouge sur un fond gris ou que sais-je encore, pourquoi ne pas parler de la brume qui vous environne, du frisson qui vous parcoure, causé par l'humidité ambiante, du grincement des mâts, de la douce caresse du soleil sur votre visage, j'en passe et des plus cucus.

Le problème étant évidemment que ce commentaire s'est institutionalisé, et a donc produit des oeuvres faites pour être commentées. Ce sont des oeuvres qui peuvent être pleines de talent, mais qui seront toujours dénuées de génie. Comparez Peter Jackson à Kurosawa. L'un est talentueux, l'autre était génial. Les deux conjugués produisent des légendes. Et, je me répète, le temps des légends, on attend encore son retour.

Une oeuvre est créée, en général, à partir des tripes. Je parle d'une véritable oeuvre, pas d'un quelconque bouquin écrit par un sous-scribouillard à la mode ou par une jeune parisienne persuadée que son génie compensera son talent... Je tiens à préciser que je n'ai personne en tête, à part Beigbeder, Nicolas Rey (Ray ?) et le troisième fils à papa dans le genre, dont j'ai oublié le nom. (CocoRosie / By your Side... et dire que même ça, ça devient à la mode... enfin mieux vaut ça que les 2B3) Bref, les tripes (à la mode de Caen). Et le commentaire doit également venir des tripes. L'artiste met de lui dans l'oeuvre, mais SURTOUT, nous y mettons de nous. Dans le commentaire, NOUS devons apparaître. Quoi qu'en disent les profs de français de Première L, bien obligés de se plier aux directives d'un ministère soucieux de productivité. Pour commenter une oeuvre, il nous faut tout simplement la recréer.

Et c'est sans doute parce que je suis un piètre créateur que je me retiens autant que faire se peut de commenter d'authentiques oeuvres... En revanche, déprécier des daubes (Guns'n'Roses / Knocking on the Heaven's Door) portées aux nues par le Faubourg Saint-Honoré, je ne m'en priverai jamais.

Hemingway qui êtes aux cieux (j'ose l'espérer), protégez la jeune génération de la civilisation du commentaire, de la suffisance creuse, de Science Po (oui, Science Po, c'est le démon, je développerai sûrement un autre jour), et de la société des ingénieurs, surtout informaticiens. Amen.



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