dimanche, février 08, 2004
(Pink Floyd/Money)
Il faut une première fois à tout. Ce soir, ça été l'héroïne. N'aie crainte, public, il n'est nulle question ici de consommation (en ce qui me concerne en tout cas).
Mon quartier est un quartier... comment dire ? folklorique. Un mélange de Chinatown et de Médina. Avec le soleil en moins, vu que c'est l'hiver, et un tramway en plus. Le carrefour au centre de cet étrange rassemblement forme une croix parfaite. D'un côté Casablanca, de l'autre Saïgon. A droite les kebabs, à gauche les traiteurs asiatiques. Au milieu, la croix, dont l'une des branches est la ligne de tramway, avec un arrêt tout en longueur, couvert et doté de sièges. De l'autre côté du carrefour, le parvis du clip. Une foule permanente là bas, pressée contre le bâtiment du clip par les travaux du métro. Là, les bonnets en poils de chèvre taillent le bout de gras. Ou plutôt marchandent. Personnellement je ne comprends rien aux tractations passées. Dans le détail ; parce qu'en gros c'est assez clair : refourgue de matériel volé, circuits de commerce parallèle, etc. Une ambiance détendue donc, que je recommande à toute personne en mal de rebellion contre la society.
Bien ; revenons de mon côté du carrefour. Devant l'alignement des boutiques, ce n'est plus une foule serrée, mais une enfilade de solitaires ou de groupes de deux ou trois. Je défie quiconque de marcher 100 mètres sans que, par 5 fois au moins, on lui ai demandé, en passant, sans regarder, d'une voix tellement chuchotée qu'on ne s'explique pas de l'avoir entendu : "t'cherches quelqu'chose ?", ou bien, pour les plus éloignés, sans qu'on arrive à vous accrocher le regard et, l'air interrogateur, la tête bougeant à peine d'un air de dire "t'cherches quequ'chose ?".(Brad Mehldau/Am Zauberberg)
Il est de notoriété publique à Lyon que c'est ici que vous trouverez vos paquets de Camel à 2 euros. Ce dernier commerce est assez récent, et a eu le mérite de faire baisser la vente de shit (acheté aux mêmes personnes que les clopes). Bon jusque là, pourquoi pas, on vend des clopes de contrebande et du shit en bas de chez moi, je m'en fous un peu (en fait non, je ne m'en fous pas, mais pour les besoins de la démonstration, on supposera que je m'y suis habitué). Le seul truc qui me dérange, à la limite, c'est, alors même que je passe devant ces affables commerçants environ deux fois par jour depuis plus de deux ans, et que systématiquement je réponds par la négative à leurs propositions, la seule chose qui me dérange, disais je, c'est que dans ces conditions, on continue à me demander. Ces gars là ne doivent pas être très physionomistes.
Bref. N'ayant toujours pas payé mon abonnement TCL, je rentrais à pied de Villeurbanne où j'avais à faire, et je teste quelques raccourcis à droite à gauche parce que j'ai la dalle et qu'il fait froid.
Rue déserte, seuls les lampadaires percent les ténèbres et il n'y a que mon pas pour mettre un peu d'animation. Musique stressante, s'il vous plait. Au bout de la rue, une silhouette surgit, tourne et se dirige dans ma direction, pas du tout l'air menaçant si ça peut vous rassurer. Au fur et à mesure que nous approchons du point d'impact, je le distingue mieux. Un homme pas très grand, la quarantaine bien passée, moustache poivre et sel, et bien sûr, parka et bonnet en astrakan. Turc, peut être (on apprend vite à faire la différence entre les Turcs, les Arméniens, les Grecs, les Roumains, les Croates, les Libanais, les Syriens, les Palestiniens, les Egyptiens, les Algériens, les Tunisiens, et les Marocains. De même qu'entre les Chinois, les Japonais, les Coréens, les Vietnamiens, les Thailandais...) (Noir Désir, repris par Yann Tiersen/A ton étoile). Le personnage ainsi posé, je m'apprête à répondre par la négative à la question rituelle qui sera murmurée quand on se croisera, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher, et sans que les regards se croisent.
Nous nous croisons donc, et j'entends, murmuré, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher et sans que nos regards se croisent :
"Héroïne ?"
...
Malgré la surprise, les reflexes prennent le dessus, je secoue la tête et continue de marcher.
Mine de rien (gisement épuisé), ça ne m'a pas laissé indifférent, comme rencontre. L'héroïne c'est pas de la petite bibine. Evidemment que ça se trafiquait en gros devant le clip, mais je ne pensais que ça se dealait aussi au détail. Alors vous allez me dire : "oui m'enfin bon, c'est un peu facile de pas réagir au shit et aux clopes et de réagir à l'héroïne, c'est manquer gravement de discernement." Calmons le jeu (Yoko Kanno/Want it all back). Ce n'est pas à vous, internautes, que je vais apprendre qu'il y a une différence entre savoir et vivre. Cet écart je l'ai encore ressenti il y'a quelques minutes, tout simplement en marchant dans la rue.
Je ne sais pas quelles conclusions en tirer. Si vous avez un avis à ce sujet, faites le moi savoir. Moi je reste perplexe pour l'instant. On verra plus tard. En attendant j'ai des nouilles sur le feu.
Il faut une première fois à tout. Ce soir, ça été l'héroïne. N'aie crainte, public, il n'est nulle question ici de consommation (en ce qui me concerne en tout cas).
Mon quartier est un quartier... comment dire ? folklorique. Un mélange de Chinatown et de Médina. Avec le soleil en moins, vu que c'est l'hiver, et un tramway en plus. Le carrefour au centre de cet étrange rassemblement forme une croix parfaite. D'un côté Casablanca, de l'autre Saïgon. A droite les kebabs, à gauche les traiteurs asiatiques. Au milieu, la croix, dont l'une des branches est la ligne de tramway, avec un arrêt tout en longueur, couvert et doté de sièges. De l'autre côté du carrefour, le parvis du clip. Une foule permanente là bas, pressée contre le bâtiment du clip par les travaux du métro. Là, les bonnets en poils de chèvre taillent le bout de gras. Ou plutôt marchandent. Personnellement je ne comprends rien aux tractations passées. Dans le détail ; parce qu'en gros c'est assez clair : refourgue de matériel volé, circuits de commerce parallèle, etc. Une ambiance détendue donc, que je recommande à toute personne en mal de rebellion contre la society.
Bien ; revenons de mon côté du carrefour. Devant l'alignement des boutiques, ce n'est plus une foule serrée, mais une enfilade de solitaires ou de groupes de deux ou trois. Je défie quiconque de marcher 100 mètres sans que, par 5 fois au moins, on lui ai demandé, en passant, sans regarder, d'une voix tellement chuchotée qu'on ne s'explique pas de l'avoir entendu : "t'cherches quelqu'chose ?", ou bien, pour les plus éloignés, sans qu'on arrive à vous accrocher le regard et, l'air interrogateur, la tête bougeant à peine d'un air de dire "t'cherches quequ'chose ?".(Brad Mehldau/Am Zauberberg)
Il est de notoriété publique à Lyon que c'est ici que vous trouverez vos paquets de Camel à 2 euros. Ce dernier commerce est assez récent, et a eu le mérite de faire baisser la vente de shit (acheté aux mêmes personnes que les clopes). Bon jusque là, pourquoi pas, on vend des clopes de contrebande et du shit en bas de chez moi, je m'en fous un peu (en fait non, je ne m'en fous pas, mais pour les besoins de la démonstration, on supposera que je m'y suis habitué). Le seul truc qui me dérange, à la limite, c'est, alors même que je passe devant ces affables commerçants environ deux fois par jour depuis plus de deux ans, et que systématiquement je réponds par la négative à leurs propositions, la seule chose qui me dérange, disais je, c'est que dans ces conditions, on continue à me demander. Ces gars là ne doivent pas être très physionomistes.
Bref. N'ayant toujours pas payé mon abonnement TCL, je rentrais à pied de Villeurbanne où j'avais à faire, et je teste quelques raccourcis à droite à gauche parce que j'ai la dalle et qu'il fait froid.
Rue déserte, seuls les lampadaires percent les ténèbres et il n'y a que mon pas pour mettre un peu d'animation. Musique stressante, s'il vous plait. Au bout de la rue, une silhouette surgit, tourne et se dirige dans ma direction, pas du tout l'air menaçant si ça peut vous rassurer. Au fur et à mesure que nous approchons du point d'impact, je le distingue mieux. Un homme pas très grand, la quarantaine bien passée, moustache poivre et sel, et bien sûr, parka et bonnet en astrakan. Turc, peut être (on apprend vite à faire la différence entre les Turcs, les Arméniens, les Grecs, les Roumains, les Croates, les Libanais, les Syriens, les Palestiniens, les Egyptiens, les Algériens, les Tunisiens, et les Marocains. De même qu'entre les Chinois, les Japonais, les Coréens, les Vietnamiens, les Thailandais...) (Noir Désir, repris par Yann Tiersen/A ton étoile). Le personnage ainsi posé, je m'apprête à répondre par la négative à la question rituelle qui sera murmurée quand on se croisera, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher, et sans que les regards se croisent.
Nous nous croisons donc, et j'entends, murmuré, l'air de rien, sans s'arrêter de marcher et sans que nos regards se croisent :
"Héroïne ?"
...
Malgré la surprise, les reflexes prennent le dessus, je secoue la tête et continue de marcher.
Mine de rien (gisement épuisé), ça ne m'a pas laissé indifférent, comme rencontre. L'héroïne c'est pas de la petite bibine. Evidemment que ça se trafiquait en gros devant le clip, mais je ne pensais que ça se dealait aussi au détail. Alors vous allez me dire : "oui m'enfin bon, c'est un peu facile de pas réagir au shit et aux clopes et de réagir à l'héroïne, c'est manquer gravement de discernement." Calmons le jeu (Yoko Kanno/Want it all back). Ce n'est pas à vous, internautes, que je vais apprendre qu'il y a une différence entre savoir et vivre. Cet écart je l'ai encore ressenti il y'a quelques minutes, tout simplement en marchant dans la rue.
Je ne sais pas quelles conclusions en tirer. Si vous avez un avis à ce sujet, faites le moi savoir. Moi je reste perplexe pour l'instant. On verra plus tard. En attendant j'ai des nouilles sur le feu.
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