<$BlogRSDURL$>

vendredi, mars 12, 2004

(Björk / Bachelorette)

Décadence qui serait, si je reprends vaguement, un retour à la barbarie. Conception cyclique de l'Histoire (pas du temps, notez) pour ceux qui auraient mal lu Friedrich N. Mais bon, pipeau que tout cela. La raison nous préserve de ce retour aux pratiques barbares qui sont vraisemblablement patchénou. Sympa, la raison, décidément.

On continue donc tout droit, je ne dirais pas tout droit dans le mur ça serait trop facile, et je ne suis pas (plus ?) pessimiste. Je pense à un processus un poil plus complexe, mais pas des masses non plus, faut quand même que ça reste à la portée de mes neurones. L'Histoire est, nous l'avons déjà évoqué plus tôt, le déploiement d'une structure triple : Dieux, Héros, Hommes. Avec ces trois blocs, trois modes de pensée. Une pensée qui nous échappe complètement et dont on ne sait plus rien, appelons-la la pensée primale, celle qui a engendré ou été engendrée par le monde des Dieux. Puis les Géants se rebellent contre les Dieux et nous amènent à l'âge des Héros (Me1 / La La La, Hey Hey), avec un langage et une pensée que nous appellerons poétique.

Poétique ne veut pas dire que c'est le souk, il y a une logique poétique. Poétique parce que créatrice, le grec *poiein tout ça. Poétique en tant que pensée et langage de l'agir, du mouvement, de l'acte, du souffle. Quitte à faire, on pourrait aussi trouver une physique poétique, une politique poétique, etc. C'est la pensée archaïque qui abolit l'espace que nous, hommes modernes, nous connaissons entre le signifiant, càd le mot, et le signifié, càd l'idée. Le symbole n'a pas à être expliqué dans ce monde là. Il nous est devenu incompréhensible.

Pour nous les idées ne sont plus des symboles, mais des représentations. Il y a quelque chose derrière. Il y a un sens à débusquer. La main d'Apollon qui coupe une montagne en deux n'est que l'expression d'un phénomène naturel de gel et de soleil. Ca nous amènera aussi à tenter de décrypter la nature. Et là, plus rien de poétique ou de créateur. En revanche, l'invention, ça oui. La découverte. Le constat. L'analyse, la pensée rationnelle, mais plus l'agir. L'âge des hommes (Afro-Celt Sound System / Colossus). Si on reste dans la perspective qu'on avait choisi au début du post précédent, c'est à dire celle de Vico, le point de passage de l'âge des héros à l'âge des hommes, c'est Homère. L'Iliade est Héroïque, l'Odyssée est Humaine. Ulysse est moins archaïque, antique, héroïque, actant, qu'Achille.

Mais après ? Après l'âge des Hommes ? Y'a-t-il un après, d'ailleurs ? Une guerre atomique, et un univers post-apo pour les survivants ? Mad Max ? Ou un développement infini ? Une extinction de l'espèce ? Chaque âge prend racine dans l'âge d'avant. Les fondements de notre âge des hommes, c'est les mythes. Ces mythes constituent un fond commun à toute l'humanité. Ils sont le lien entre tous les hommes, même quand c'est un lien de haine. Le mythe était au coeur de l'âge des Héros.

La raison est au coeur de l'âge des Hommes. C'est donc avec elle que l'on doit essayer de déterminer cet "après". Bon. Mais y'a plus vil, plus fin encore. L'Histoire est malgré tout un retour, toujours (Mano Solo / Des pays). De temps en temps, les mythes reviennent. De temps en temps, des echos se font. Imaginez une spirale : c'est l'Histoire. Tracez une ligne droite qui part du centre et qui coupe toute les couches. Tous les point touchés seront des échos de la "couche" d'avant au même niveau. Je sais pas si je suis clair. Pour reprendre Homère, on peut en trouver un écho chez Dante. Et encore après, chez Tolkien, pourquoi pas. Idem dans les domaine qui ne relèvent pas de la littérature. Donc pas de problème pour l'Après. On retapera dans un âge des Dieux.

Après tout, pourquoi pas ? Ca mettrait Malraux d'accord avec tout le monde : "le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas." Ca colle, non ? Oui mais. Il semblerait qu'à un moment, on ait glissé. Il semblerait qu'à un moment, l'homme ait eu suffisamment de pouvoir sur lui même et sur le monde pour sortir de cette spirale. Reprenez votre spirale. Reprenez là où vous vous êtes arrêtés. Et tracez une grande ligne droite, une tangente qui se casse, qui sort de la spirale. Un moment où on est sorti du retour.

Le XXe siècle. Le siècle de tous les excès, comme le titrait je ne sais plus quel bouquin d'histoire. (Daft Punk / Aerodynamic... je hurle et je reviens... désolé ce morceau me fait toujours cet effet) Et bien sûr plus précisément dans le XXe siècle les deux boucheries mondiales, et tout ce qui s'en est suivi comme idéologies, comme courants de pensées... Ou, comme on dit chez moi, la mierda. Pas la peine de traduire, je suppose. Et là se repose la question de l'Après. Comment vivre après le XXe siècle ? Y'en a beaucoup qui sont encore prêts à croire qu'on peut revenir à un âge des Dieux dans la situation actuelle ? Pas moi. On s'est cassé, on a pris notre destin en main sans trop quoi savoir en faire. On est sorti de la cellule et on se retrouve au bord du précipice sans trop savoir quoi faire.

On a vu comment la civilisation avait émergé de la barbarie. Mais une fois au sommet, pourrait il naître une seconde barbarie ? Je tourne en rond, me direz-vous. Non, car je parle bien de seconde barbarie, il ne s'agit plus de la barbarie de la force, de la violence, dont on est sorti, mais d'un nouveau type de barbarie. Une barbarie de la reflexion. Pas une décadence, du tout. Une destruction progressive mais inéxorable des fondements mythique de nos sociétés, avec des hommes intelligents mais individualistes. Ou plutôt, individualistes CAR intelligents. Et oui, on s'en tire mieux (Rage Against The Machine / Killing in the name, bien sûr... tu tombes bien toi) en laissant les autres crever, en ne s'occupant pas de ces boulets que sont les autres. Cette conclusion est le simple produit de la raison. De la raison nue, simple, débarrassée des scories des mythes. Les hommes individualistes car ils ne sont plus liés entre eux par les mythes.

La raison est une stratégie d'égoïsme. On aboutit à une destruction d'autrui par chacun, un nouvel état de guerre... et pas poétique du tout, pas créateur de quoi que ce soit. Et tombe la question : cette barbarie de la reflexion, est elle dans la spirale ? Ou s'en écarte-t-elle définitivement ? Tout cela va-t-il aboutir à une nouvelle spirale ? Toutes ces spirales, liées par des dérapages incontrôlés, forment elles une spirale géante ? Une fractale ? C'est rassurant de le penser. Les choses restent ainsi en ordre. Mais en réalité ? Aucun moyen de le savoir. Et très franchement, je suis pas sûr d'avoir envie d'essayer pour savoir.

En vérité, en vérité, je vous le dis, on a intérêt à sauver les mythes, et pas qu'un peu (Bénabar / Porcelaine... et le temps que je rêvasse, une antiquité : Oasis / Whatever).



Comments: Enregistrer un commentaire

This page is powered by Blogger. Isn't yours?