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vendredi, mars 19, 2004

(Coltrane / Blue Train)

On me taxe souvent d'anti-parisiannisme primaire. Bon, ce n'est sans doute pas complètement faux, y'a qu'à voir le sous-titre de cette page. Néanmoins, si ce n'est pas complètement faux, cela implique également que ce n'est pas complètement vrai.

Et la première chose que je remet en question, c'est le "primaire". Je serais curieux de savoir ce qu'est un anti-parisiannisme secondaire. Peut être que ça collerait plus avec mon comportement. Ensuite, il est absolument faux de dire que je n'aime pas Paris. J'aime beaucoup Paris. C'est sans aucun doute une des plus belles villes de France. Ce que je n'aime pas, c'est les parisiens. Que les parisiens ne le prennent pas mal, j'ai le même sentiment avec Nice, Marseille, Bordeaux, Aix, Poitiers ou Orléans. Alors que c'est le contraire avec des villes comme Lille, Rennes, Dunkerque, Nancy ou Metz ; les villes m'insupportent mais on trouve des gens. Et il y a les exceptions comme Nantes, Lyon, Troyes... où on arrive à se satisfaire des deux (H.-F. Thiefaine / Les dingues et les paumés).

Quelqu'un avançait dans mon entourage l'hypothèse suivante : toute l'histoire de France n'est que l'opposition entre Paris et la Province, avec Lyon à la tête de l'opposition provinciale. Pourquoi pas Marseille, Toulouse, Nantes... ? Toujours selon la même personne, parce que ces villes n'en ont rien à faire de Paris, qu'elles n'ont jamais eu le statut de capitale comme Lugdunum l'a eu, puis Lyon capitale de la Résistance dans la Zone Libre. Sans compter le refus de la Terreur révolutionnaire.

A la limite Avignon, qui a abrité un certain nombre de papes, pourrait également se targuer d'un passé lui permettant de s'opposer à la capitale. Sauf qu'Avignon est aujourd'hui ville agonisante, et que les papes qui y étaient nommés étaient aux plus ou moins aux ordres des rois de France, à l'époque déjà installés à Paris (Morcheeba / The Great London Traffic). A l'étranger des villes francophones commes Bruxelles ont su s'émanciper, par une succession de meneurs de rebellion, bien avant et bien après Van Artevelde (me souvient plus de son prénom... Jakob ?).

Je ne parlerai pas de Paris et le désert français, c'est pas le propos et ça touche à un autre domaine. L'antagonisme Paris/Lyon (je garde l'exemple de Lyon pour désigner la Province selon la théorie de mon ami, personnellement je ne suis ni Lyonnais ni Parisien) semble prendre racine dans quelque chose de plus profond. Paris qualifie souvent Lyon de ville bourgeoise. Faut croire que Paris n'est jamais allé à Bordeaux, véritable ville bourgeoise, et véritablement, elle a également soigneusement évité certains quartiers populaires de Lyon. Lyon taxe souvent Paris de superficialité. Evidemment elle a autant tort que sa concurrente, nul n'est besoin de démontrer la richesse et la profondeur de Paris. Même Nice, capitale de la Côte d'Azur, et à ce titre parangon supposé de superficialité, n'atteint pas le degré de légèreté que Lyon attribue à Paris.

L'antagonisme viendrait d'un mode de pensée profond, attaché aux pierres, attaché à l'histoire. Paris est entrée de plain pied dans l'ère moderne, rationnelle et traumatisée, il y a de cela plusieurs siècles, en "sautant des étapes" historiques. Lyon est restée dans un mode de pensée antique, voire archaïque, dans le même temps, et a suivi une histoire beaucoup plus nuancée, une évolution plus graduelle, grâce à sa position même de non-capitale. Alors forcément quand on célèbre le progrès, l'antique c'est énervant. Et aujourd'hui où l'arrogance du monde moderne vient à se casser les dents, Paris a perdu quelque peu de sa superbe, et Lyon se dresse toujours. (Kenji Kawaii / Log In) Sauf qu'aujourd'hui on sort de ça, que Lyon a oublié ses origines et s'efforce de ressembler à la capitale, et que la capitale, consciente de ses erreurs, corrige le tir.

L'évolution graduelle de Lyon lui a évité les divers traumatismes qu'a connu la capitale. Pour changer le pays, il fallait changer la capitale. Et celui qui contrôlait la capitale contrôlait en théorie le pays, et ce depuis la moitié du Moyen-Age. Paris a été "démolie" et reconstruite maintes fois, et c'est là ce qu'on peut appeler traumatismes. Pour être toujours à la tête du pays, à la pointe, il a fallu régulièrement faire des bonds en avant. Alors que les autres villes n'avaient pas à assurer une telle place, et ont suivi leur cours plus simplement. Ce qui ne veut pas dire qu'elles n'ont pas connu une histoire mouvementée. (Lhasa / J'arrive à la ville) Paris a fait s'entrechoquer en son sein de nombreuses périodes, des époques différentes. Ces chocs ont provoqués des étincelles, de la lumière, des coups de génie, des coups d'audace, et aussi des coups de poings, des coups de feu. L'étincelle est celle qui pousse l'artiste à créer et l'architecte à construire, mais c'est aussi celle qui déclenche l'incendie, celle qui fait que le roi lève l'ost, et que le juge condamne à mort.

Ailleurs, on a plus ou moins bien resisté à ces ondes de chocs. La Provence, le Languedoc, sont des régions qui ont réagi comme elles réagissent toujours : on dit oui, oui, et on fait ce qu'on a à faire, tranquillement ("ils sont fous ces parisiens" a succédé à "ils sont fous ces romains"). Des zones fortement influencées par le pouvoir central, comme la Normandie, la Picardie, la Loire, le Centre, les Charentes, voire le Nord, ont suivi tant bien que mal. Et les autres ont refusé qu'on les bouscule. Lyon/Dijon, St Malo/Nantes/Rennes/Vannes, Strasbourg/Nancy, ont du être matées autrement. C'est là que sont nés les conflits, (Mano Solo / Canal du Midi)parce que dans ces endroits on a pas voulu presser l'Histoire, on pas voulu être pressé par l'extérieur.

L'Histoire n'est pas fini. Le conflit non plus. Alors que Paris était encore récemment aux mains des Templiers, Lyon reste une ville où nul n'a l'avantage, et où tous sont puissants.



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